À 24 ans, Daphnée Lévesque parle ouvertement de la fragilité de sa santé mentale. Son combat, elle le vit au quotidien depuis son adolescence. Au début, sa stratégie était de cacher son mal-être intérieur en souriant, pour que les gens se soucient d’elle le moins possible. Aujourd’hui, elle parvient à mettre des mots sur cet enfer qu’elle traverse de façon épisodique. Son témoignage troublant, elle le livre sans tabou. Sa mission : donner espoir aux jeunes qui vivent en silence la même chose qu’elle.
Daphnée Lévesque est née en Chine. Elle a vécu à Timmins jusqu’à l’âge de 13 ans pour ensuite déménager à New Liskeard avec sa famille. En 2015, elle s’installe en Colombie-Britannique où elle étudie à l’University of British Columbia. « Au début, je voulais devenir écrivaine. Mais après certains événements personnels, j’ai décidé de faire une majeure en littérature anglaise et une mineure en counselling psychology. » Dans ce parcours qui semble tout beau se cachent des années de souffrance.
Les premiers signes
Daphnée a commencé à souffrir d’anxiété et de dépression à l’âge de 14 ans. « J’avais tout le temps le goût de pleurer, je ne dormais plus, j’avais des pensées suicidaires et j’ai perdu toute ma joie de vivre. Je n’avais aucune idée que les maladies mentales, ça existait. J’étais vraiment naïve! Un jour, en 9e année, j’ai fait une crise de santé mentale. Ma mère m’a amenée voir notre médecin. Il m’a prescrit des médicaments pour la dépression et pour mieux dormir. J’ai aussi rencontré une travailleuse sociale, mais je n’ai pas vécu une très belle expérience. Après ça, j’ai refusé de retourner la voir. » Extérieurement, elle ne laissait rien paraître. « Les gens autour de moi n’aimaient pas trop ça quand j’avais une attitude négative. Je voulais être avec mes amies, donc j’ai appris à cacher mes sentiments et le fait que j’avais très mal à l’intérieur. »
Les pires moments
Lors de sa deuxième année universitaire, les moments les plus sombres se sont manifestés. « J’étais très à risque du suicide, donc j’ai été hospitalisée de façon involontaire. J’ai dû retourner à l’hôpital plusieurs fois. Je suis certaine que rester dans un établissement psychiatrique m’a sauvé la vie. Je crois que, pendant cette période de ma vie, je vivais beaucoup de stress. L’école, mon travail, mes heures de bénévolat… J’étais toujours en crise, et je me coupais souvent pour gérer mes émotions. Les gens ne comprennent pas toujours, mais l’automutilation, c’est un comportement qui permet aux gens de faire face à leur douleur émotionnelle. »
Des professionnels, elle en a consulté plusieurs : une dizaine de psychiatres, deux psychologues, une art-thérapeute, une spécialiste de la musicothérapie, des infirmières psychiatriques, un ergothérapeute, une diététicienne, un spécialiste des troubles du sommeil, etc. « J’ai reçu plusieurs diagnostics au fil des ans, mais le plus important : trouble bipolaire type II. C’est une maladie avec des épisodes de dépression et d’hypomanie. Les symptômes de dépression : fatigue, manque de concentration, manque d’appétit, etc. Les symptômes d’hypomanie : hyperactivité, euphorie, pas beaucoup de sommeil, parler très vite, être irritable, comportements dangereux, comme dépenser beaucoup d’argent, etc. »
En ce moment, elle dit qu’elle va « OK ». « J’ai été hospitalisée au mois de mars, car j’étais trop déprimée, mais depuis ce temps-là, j’accumule des forces. Cet été, j’ai décidé de ne pas suivre de cours. Au lieu, je planifie me reposer! »
Le chemin de la guérison
La meilleure façon, pour elle, de vivre avec la maladie mentale, c’est d’utiliser les compétences qu’elle a développées en thérapie. En effet, depuis 2018, elle suit un programme de thérapie comportementale dialectique qui porte sur la pleine conscience, l’efficacité interpersonnelle, la régulation des émotions et la tolérance à la détresse. Elle prend aussi des médicaments : un antidépresseur, un stabilisateur d’humeur et un antipsychotique. « Je sais, c’est un vrai cocktail! ». Daphnée a la chance d’être bien entourée : ses parents, ses amies du secondaire et de l’université, et Bethany, une thérapeute au grand cœur, sont là pour veiller sur elle. Aussi, elle écrit sur la santé mentale, ce qui lui donne espoir. Elle publie des articles pour The Ubyssey, le journal de son université, dans lequel elle a sa propre chronique appelée Mind Your Mind. Elle a aussi publié un article dans le prestigieux Macleans Magazine dans la section Before You Go.
Quand elle pense à son parcours, la jeune femme est remplie de tristesse en raison des activités manquées et des longs mois passés à la maison à déprimer alors que la vie continuait normalement pour les autres. Elle dit être jalouse de ses amies du secondaire qui ont déjà terminé leurs études universitaires. « Si seulement j’avais rencontré, à 14 ans, une autre personne qui vivait les mêmes choses que moi, ça aurait fait toute la différence. »
Et cette différence, elle souhaite la faire dans la vie des autres. « Je travaille comme youth peer support worker. Donc, j’aide les jeunes qui de 12 à 24 ans. Je partage mes expériences avec eux, et je les appuie pour trouver des ressources et des services. Je suis là s’ils veulent parler de ce qui se passe dans leur vie. » Elle aimerait offrir des conférences sur la santé mentale à Sainte-Marie, son école secondaire de New Liskeard. D’ailleurs, elle déplore le manque de services dans le nord de l’Ontario pour ces jeunes aux prises avec des maladies mentales. Elle souhaite revenir en Ontario, près de sa famille, et exercer le métier de psychothérapeute pour les enfants, les adolescents et les familles. Et pour compléter le tableau idyllique de son avenir, elle y voit un mari, des enfants et un Golden Retriever!