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L’enjeu de l’appauvrissement des OCASSS

20 juin 2021

par : Moulay Hicham Mouatadid | Journaliste de l'Initiative de journalisme local

photo : L'équipe de la CROC-AT : Marie-Eve Duclos, coordonnatrice et David-Alexandre Desrosiers, agent de liaison.

L’appauvrissement des organismes communautaires autonomes en santé et services sociaux (OCASSS) continue d’occuper un grand espace dans le débat du financement des organismes communautaires. « On parle davantage de l’appauvrissement des organismes communautaires parce que ceux-ci sont majoritairement financés par l’état, or depuis de nombreuses années il n’y a pas eu d’augmentations significatives de ce financement tandis que le coût de la vie, lui, continue d’augmenter et les diverses problématiques auxquelles les organismes travaillent à venir en aide se complexifient », explique David-Alexandre Desrosiers, agent de liaison à la Concertation régionale des organismes communautaires de l’Abitibi-Témiscamingue (CROC-AT). Dans le cas des organismes communautaires autonomes œuvrant en santé et services sociaux (OCASS), ceux-ci sont financés à la mission globale par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) via le Programme de soutien aux organismes communautaires (PSOC).

« Il est frustrant de constater que malgré le fait que les OCASSS aient été au front durant la pandémie et qu’ils aient porté à bout de bras le filet social, ils n’ont reçu qu’une infime hausse de leur financement récurent au PSOC pour leur mission globale lors du dernier budget du Québec pour 2021-2022. Effectivement, c’est seulement 15 M$ de plus ainsi qu’une indexation de 1,6 % qui seront répartis pour les 3 000 OCASSS de tout le Québec, alors que les besoins sont estimés à 370M$ », poursuit-il.

Suivre les augmentations réelles

Pour l’agent de liaison chez CROC-AT, en plus d’un financement à la mission insuffisant, actuellement l’indexation qui est accordée aux OCASSS se base sur l’Indice des prix à la consommation (IPC), se situant généralement autour de 1 % à 1,5 % (moyenne des 12 dernières années). « Cette méthode de calcul n’est pas représentative des coûts de fonctionnement des organismes communautaires, car l’IPC est basé sur les prix de produits de consommation des individus. Or, les organismes ont d’autres types de dépenses qui ne sont pas pris en compte, principalement les salaires, mais aussi les assurances, les loyers commerciaux, etc. Donc, cette indexation ne permet pas aux organismes de suivre les augmentations réelles. Une indexation autour de 3.25 % serait plus réaliste », souligne-t-il.

Le défi de retenir le personnel

L’appauvrissement dû au sous-financement des OCASSS, selon David-Alexandre Desrosiers, a plusieurs conséquences, dont une de plus en plus importante : le recrutement et la rétention de personnel. « N’ayant pas toujours les moyens d’offrir des conditions salariales comparables au réseau public ou encore au milieu privé, les postes sont de plus en plus difficiles à combler. Cela a un impact direct sur la réalisation de leur mission, devant ainsi réduire leurs activités et leurs services, ce qui affecte grandement les personnes qui en ont besoin », a-t-il affirmé.

Dans un autre ordre d’idée, monsieur Desrosiers souligne la mise en place d’initiatives gouvernementales pour déployer de nouveaux programmes dans le réseau public québécois qui viennent dédoubler la mission des organismes communautaires autonomes déjà présents sur le terrain. Alors que les organismes déjà reconnus tant par le gouvernement, les élu.es, la communauté, les partenaires et la population, sont toujours sous-financés, les nouveaux programmes reçoivent d’importants financements pour leur mise en place. « Pour les organismes, cette situation déplorable fait preuve d’un manque flagrant de reconnaissance de leurs expertises et de leur enracinement dans leurs communautés. »

Augmenter le financement

Pour faire sortir les groupes communautaires de ce contexte d’appauvrissement, l’agent de liaison à la CROC-AT pense qu’il faut augmenter le financement à la mission globale des OCASSS afin de consolider le travail accompli au quotidien, activités et services qu’ils offrent déjà plutôt que mettre en place des programmes qui vient dédoubler le travail des organismes. Également, il faudrait mettre fin au financement par projet qui a des effets pervers et fragilise les organismes qui doivent toujours se réinventer plutôt que maintenir et consolider des services et activités qui sont structurants et répondent aux besoins de la population.

D’ailleurs, puisque les OCASSS sont des organismes communautaires autonomes tels que décrits dans la politique gouvernementale de reconnaissance et de soutien de l’action communautaire, intitulée L’action communautaire: une contribution essentielle à l’exercice de la citoyenneté et au développement social du Québec (PRAC), l’agent de liaison pense que le gouvernement a le devoir de respecter cette autonomie. « On reconnait et finance des organismes pour qu’ils puissent réaliser une mission sociale, donnons-leur les moyens de le faire pleinement. C’est pourquoi une bonne avenue serait de travailler davantage en partenariat le communautaire et diverses instances (avec le MSSS au niveau national et avec le CISSS-AT au niveau régional) sur tout ce qui a trait au milieu communautaire », estime-t-il. « Le plan d’action gouvernemental en matière d’action communautaire (PAGAC) qui devait sortir ce printemps a été reporté au printemps 2022. Le communautaire espère et s’attend à y retrouver des engagements formels et financiers de la part du gouvernement. Rappelons que le dernier plan d’action gouvernementale en matière d’action communautaire date de 2004 », termine-t-il.

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