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L’expérience humaine de FERME

9 novembre 2021

par : Dominique Rioux-Blanchette : Journaliste de l'initiative de journalisme local

Pour l’année 2019-2020, l’industrie bioalimentaire de l’Abitibi-Témiscamingue comptait 551 exploitations agricoles et 31 entreprises de transformation alimentaire. Elle a généré 8 400 emplois et un PIB de 357 M$. La vaste majorité d’entre elles vivent néanmoins une profonde crise au niveau de la main-d’œuvre, ce qui peux ralentir les projets. La démographie vieillissante du Québec est la principale cause de ce phénomène qui ne s’estompera pas avant 2030. L’autonomie alimentaire souhaitée par le gouvernement du Québec tient seulement grâce au programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) qui permet aux employeurs canadiens d’embaucher des travailleurs étrangers. Au Québec, les entrepreneurs agricoles paient une cotisation à la Fondation des Entreprises en Recrutement de Main-d'œuvre agricole Étrangère (FERME), qui leur offre le service de recrutement à l’étranger. Un système de pige à l’aveugle, extrêmement rigide et nécessiterait une urgente mise à niveau.

C’est un long processus auquel sont conviés les dirigeants d’entreprises agricoles et d’agro-transformation et peu de soutien existe au cours du processus; étude d’impact de marché du travail (EIMT), bureaucratie provinciale, fédérale, étrangère, et tant d’autres logistiques associées; hébergement, part du billet d’avion, RAMQ, la communication en langue étrangère, etc. Les entrepreneurs s’y prennent en moyenne huit mois d’avance pour faire leur demande. Malgré tout, les agriculteurs s’entendent unanimement pour dire que ces travailleurs sont essentiels à la poursuite de leurs activités.

Depuis 10 ans, Stephane Bock, propriétaire de la ferme Les pommes de terre du Témiscamingue, reçoit des Mexicains à Saint-Eugène de Guigues pour des contrats de huit mois. L’homme originaire de l’Outaouais est l’un des premiers à en avoir fait l’expérience au Témiscamingue. Il utilise l’application Translit, qui offre un service de traducteur professionnel sur demande et sollicite cette aide pour expliquer les tâches aux travailleurs étrangers. Monsieur Bock se dit généralement satisfait de son expérience.

Copropriétaire de l’Éden Rouge, Anny Roy a fait l’apprentissage de l’espagnol pour diriger ses travailleurs étrangers temporaires à ses frais. Seulement la première année, elle a eu droit à une subvention du Centre local d’emploi (CLÉ) pour une formation rudimentaire. Au cours de l’été, la gestionnaire a fait face à une situation où l’un de ses employés temporaires avait un problème de santé préexistant, non déclaré. Heureusement, madame Roy s’est dotée d’un contrat, en espagnol, avec des engagements auxquels elle est tenue en tant qu’employeur, de même que les exigences à respecter par l’employé. Ainsi, lorsqu’elle a dû appeler le consulat mexicain pour renvoyer dans son pays l’homme malade, Anny Roy avait un document signé pour prouver son manquement. « Faut que tu te back », souligne-t-elle. Dans tous ces cas humains, la FERME ou l’UPA ne sont d’aucun soutien, comme ce n’est pas dans leur mandat. « La charge mentale est énorme! » déclare-t-elle. De plus, à l’Éden Rouge, les employés sont multitâches. Madame Roy souhaite garder les mêmes employés saisonniers d’une année à l’autre, pour éviter d’avoir à former à nouveau. Or, cette décision relève de la volonté du travailleur, qui a le choix de revenir au même endroit. Pour fidéliser ceux-ci, elle planifiait cette année, avec un travailleur étranger, les tâches qui lui seraient confiées à l’année suivante, dont l’intention d’en faire un mentor pour ses confrères, dans l’espoir de créer un sentiment d’appartenance. De plus, elle offre de beaux logements, chambre à part, Netflix, Wifi et d’autres conditions intéressantes.

Valérie Bernard, copropriétaire de la Ferme Valsy à Fabre, s’est quant à elle associée avec une ferme voisine qui lui offre un rabais sur le logement de son employé en échange d’un véhicule partagé entre travailleurs temporaires des deux parties. Cette dernière se dit très satisfaite de son travailleur guatémaltèque de 28 ans, dégourdi, bon avec les animaux, qui « souhaiterait juste travailler 7 jours sur 7. » « Je n’aurais pas peur de partir et lui laisser la ferme », va-t-elle jusqu’à dire.

L’expérience au niveau du processus, comme sur le terrain, peut donc être très différente pour les producteurs témiscamiens. Cela est dû au fait que le système de FERME est complètement aléatoire, sans souci d’affinité avec l’entreprise.

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