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Et que fait-on de la réalité régionale?

12 mai 2020

par : Karen Lachapelle

Ça y est, j’ai vécu ma première vraie colère COVID-19. Les étapes de deuil se succèdent depuis des semaines dans ma vie. Déni, tristesse, négociation et paf, voici la colère qui débarque… Je garde espoir que l’acceptation viendra bientôt!

Jeudi dernier, comme des milliers d’élèves, mon grand est allé vider son casier à l’école. Contrairement à mon jeune homme, ça a fait ressortir une colère latente. Il vient de finir son secondaire sans l’avoir vraiment complété. Ça s’est conclu abruptement, froidement, alors que la cinquième secondaire marque la fin d’une étape importante dans une vie. On ne peut pas terminer son secondaire de cette façon. Je suis prorésilience, mais il y a quand même des limites! Plusieurs jeunes filles sont arrivées à l’école vêtues de leur robe de bal. J’ai trouvé l’initiative superbe, même si ça ne remplace en rien ce qui leur a été enlevé.

Le bal représente beaucoup plus qu’un gros party et de belles robes. C’est une boucle… qui se boucle. Le parcours académique de mon grand n’a pas été un long fleuve tranquille et Dieu sait qu’il nous a donné, par moment, des maux de tête. Malgré les embûches et les chemins chaotiques, il a réussi. Et on ne pourra pas le souligner comme il se doit, alors qu’il le mérite. Ça m’a fait mal de savoir que tout avait été annulé, sans laisser la porte entrouverte, question de voir ce que sera la situation dans un mois. On ne compte même pas 50 finissants à l’école Marcel-Raymond. On n’aurait pas pu trouver une façon de faire? Je pense qu’il y a assez d’espace au Témiscamingue pour s’organiser avec la fameuse distanciation physique, non?

Ne me dites surtout pas qu’un bal virtuel sera organisé. Qui veut recevoir un diplôme assis seul devant son écran? Ne me dites pas non plus que l’événement à Télé-Québec, le gala « Mammouth » le soulignera le 19 juin prochain. Ça me semble du gros n’importe quoi. Mon grand ne fait d’abord tellement pas partie de la clientèle cible et surtout, les jeunes des régions seront considérés?

Depuis le début de la pandémie, les décisions sont prises à Québec. Et tout tourne autour de Montréal (les conférences de presse quotidienne du premier ministre en sont un excellent exemple). Mais est-ce qu’on prend vraiment en considération les particularités des régions? Certains souhaiteraient que les directives soient plus souples et que les régions puissent les adapter selon leur réalité. Je fais tellement partie du lot, et ce propos, je l’avais bien avant la pandémie.

Dans le cadre d’un sondage, une très nette majorité des répondants jugent que le déconfinement va trop vite ou progresse à un rythme approprié. La moitié des Montréalais jugent qu’on va un peu trop vite. Trop vite en quoi? Depuis quelques semaines, les secteurs économiques de la région ouvrent un à un et ça se passe bien. Nous ne vivons pas l’hécatombe montréalaise. Le déconfinement est progressif. Je ne me sens pas comme un cobaye, au contraire. En région, nous avons l’espace et nous sommes capables de bien faire les choses, nous aussi…

Le journaliste sportif de TVA Sport, Jean-Charles Lajoie, a osé nous traiter d’idiots, nous gens des régions. Dans un tweet il y a quelques semaines, il a mentionné : « Les imbéciles heureux qui ne se sentent pas concernés par la crise et qui réclament le déconfinement et la relance économique, je vous méprise. Votre JE avant le NOUS. Que seriez-vous sans l’apport inestimable de la grande région de Montréal COLLECTIVEMENT? »

Quelle prétention! Mais que connait-il des réalités régionales? Si j’étais son boss, j’y penserais à deux fois avant de renouveler son contrat. Surtout que son boss (monsieur Québecor) vient de faire l’acquisition de CableAmos pour faire une percée dans la région. Ça donne une drôle d’image de la considération que peut avoir l’entreprise pour nous, imbéciles heureux…

Des commentaires de la sorte, j’en ai lu, j’en ai entendu trop. On m’a même dit que si on nous fermait de Montréal, nous serions mal foutus au niveau alimentaire. Certains produits importés arrivent par le port, je l’accorde, mais au-delà de cette réflexion réductrice, les Montréalais pensent que le lait et la viande viennent d’où ? Je n’ai jamais vu de vaches sur le Mont-Royal!

J’ai fait l’inventaire des ressources autour de moi et ma conclusion est rassurante. Si, demain matin, la région se fermait du reste du Québec, je ne mourrais pas de faim. Oui, mon alimentation serait différente et peut-être moins variée, mais je ne suis pas inquiète pour ma survie. Si j’ai à gager sur l’autonomie alimentaire, je mets mon argent sur l’Abitibi-Témiscamingue bien avant que Montréal-Nord.

Avant que ce fléau débarque dans nos vies, le gouvernement Legault travaillait sur la mise sur pied des Centres d’acquisitions gouvernementales (centralisation des achats gouvernementaux). Le projet a été mis sur la glace en raison de la crise qui sévit. Je souhaite sincèrement que monsieur Legault ait compris que tout centraliser, par exemple à Montréal, est une très mauvaise idée. Le Québec, c’est un tout. C’est urbain et rural. Les villes ont besoin de ses régions, et vice versa.

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