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Programme La culture à l’école : Une hausse des honoraires qui dérange

23 mai 2022

par : Dominique Roy

photo : L'auteure jeunesse Valérie Perreault en animation

Le 25 avril dernier, le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, et la ministre de la Culture des Communications, Nathalie Roy, annonçaient une hausse de 58 % des honoraires pour les artistes et les écrivains participant au programme La culture à l’école. Il s’agit là de la première augmentation depuis son implantation en 1999. Le cachet passera donc de 325 $ à 515 $ par jour et il sera indexé de 2 % par année jusqu’en 2025-2026. En fait, ce qui devait être une bonne nouvelle n’en est pas vraiment une pour les artistes et auteurs.

D’abord, il faut savoir que ce programme met à la disposition des directions d’écoles et des enseignants une aide financière pour soutenir la réalisation de projets culturels en contexte scolaire. Les artistes et les écrivains inscrits dans le Répertoire culture-éducation peuvent donc être sollicités par les écoles pour offrir des ateliers en classe dans des domaines tels que les arts de la scène, les arts visuels, les arts numériques, la littérature pour la jeunesse, etc. Valérie Gaudet, coordonnatrice des services éducatifs au Centre de services scolaire du Lac-Témiscamingue (CSSLT), fait partie du comité culturel mis en place pour sélectionner les activités qui auront lieu au cours de l’année scolaire. Elle explique que le CSSLT reçoit deux enveloppes budgétaires pour la culture, l’une pour les sorties culturelles et l’autre pour les ateliers offerts par les artistes et les écrivains du Répertoire. Les enseignants soumettent leurs demandes d’ateliers au comité qui en fait la sélection à partir de différents critères.

Des artistes et des auteurs de la région font partie du Répertoire, mais le processus d’inscription peut être un véritable défi. Valérie Perreault, auteure jeunesse, a dû s’armer de patience. « La première fois, on m’a gentiment dit que les ateliers suggérés étaient trop « pédagogiques ». Difficile de faire autrement lorsqu’on est enseignante au préscolaire et primaire. Premier refus. J’ai donc changé mon fusil et suggéré des activités qui requéraient une grande quantité de matériel. On m’a alors dit que les frais encourus par les écoles seraient trop élevés. Deuxième refus. La troisième fois, avant de me lancer, j’ai consulté mes amis auteurs. Ils m’ont recommandé de lire la description de leurs ateliers d’auteurs afin de comprendre ce que je devais produire. Je m’en suis inspirée sans toutefois les copier. Ma candidature a été acceptée. Conclusion : six ans à attendre sans pour autant gagner ma vie », explique-t-elle en précisant que c’est aux deux ans qu’il est possible de poser sa candidature.

Louise Lavictoire fait partie elle aussi de ce Répertoire et son offre de services est liée aux arts de la scène. « Cette hausse me paraît tout à fait suffisante et justifiable, surtout quand on connaît les cachets des artistes, ceux du théâtre notamment. Elle pourrait donc signifier une majoration de mes revenus autonomes. L’artiste témiscamienne y met un bémol : « Encore faut-il que l’on fasse appel à mes services. Je me dois de signaler que la concurrence est forte. J’ajouterais que du temps où je rédigeais moi-même les demandes d’appui financier dans le cadre de ce programme, j’obtenais davantage de contrats. J’approchais les écoles, surtout celles de l’Abitibi-Témiscamingue et du Nord-du-Québec, afin de leur proposer des ateliers. J’obtenais généralement un accueil favorable, donc plus de revenus autonomes. Les enseignants sont tellement surchargés qu’ils ne trouvent pas le temps d’élaborer des projets et les demandes qui les accompagnent. Au bout du compte, ce sont les artistes qui écopent. » Même son de cloche pour madame Perreault. « J’aimerais dire que le téléphone sonne continuellement ou que les courriels entrent par milliers. Nenni! Je dois donc être continuellement sur les réseaux sociaux, avoir un site Internet et ne point me dévaluer si je remplace à brûle-pourpoint un auteur qui ne peut honorer un contrat pour des raisons qui lui appartiennent. »

La première réaction de Solène Bernier, inscrite au Répertoire dans le domaine des arts de la scène, fut positive, mais après coup, la bonne nouvelle économique du jour n’en était plus une. Entre autres, elle déplore le fait qu’il n’y aura aucune augmentation des frais d’hébergement. « Dernièrement, j’ai payé 175 $ pour une chambre à Amos et nous sommes remboursés 89 $ en Abitibi; ailleurs, ils remboursent 130 $ environ. Ça fait longtemps que nous trouvons cela absurde puisque les tarifs sont les mêmes ici et ailleurs. Nous partageons ces irritants au ministère de la Culture à Rouyn, mais nos recommandations semblent se perdre avant d’arriver au ministère de l’Éducation. » Madame Bernier se souvient d’une enseignante scandalisée par le cachet remis à l’artiste dans le cadre de ce programme. Elle trouvait le salaire beaucoup trop élevé alors qu’il était à 325 $. « Il y en a plusieurs qui ne nous invitent pas pour ça. Alors, imagine avec l'augmentation. On ne nous invitera plus à 500 $/jour. Ce qu’il faudrait que les écoles sachent, c’est que les artistes qui sont les plus engagés font maximum 6 000 $ dans l’année avec La culture à l’école. » Elle ajoute qu’après deux années sans invitation, la fiche de l’artiste est retirée du Répertoire.

Finalement, derrière cette augmentation, qui n’est en fait qu’une simple indexation au coût de la vie pour ceux inscrits au Répertoire depuis de nombreuses années, c’est tout le débat de la précarité que vivent les artistes et les auteurs qui refait surface. Il faut aussi se démarquer des autres dans ce fameux bottin qui compte 2 300 fiches d’artistes, d’écrivains et d’organismes.

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