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La couleur de la justice

9 juin 2020

par : Karen Lachapelle

Depuis deux semaines, j’observe, je lis, je regarde les images et je suis troublée par ce qui se passe aux États-Unis. Comme des millions de personnes, j’ai vu la mort de Georges Floyd. J’ai aussi envie de pleurer la mort de Georges Floyd, comme des millions de personnes.

Comment en sommes-nous arrivés là ? Je ne parle pas du racisme, mais plutôt d’être spectateur passif face à autant d’injustices, en s’en lavant les mains, comme si une vie humaine avait plus de valeur qu’une autre, basée sur la couleur de la peau. Il aura fallu la mort filmée d’un homme pour se réveiller? Le feu brûle aux États-Unis et il ne semble pas vouloir s’éteindre. Il est temps que la société nord-américaine enlève sa tête de son nombril pour réaliser les dégâts causés depuis tellement trop longtemps.

« Nous, les Blancs américains, nous sommes entraînés à penser que les Noirs sont des personnes dangereuses et inférieures. C’est une chose systématique et structurelle. On nous élève comme ça, les Blancs », a mentionné Leonard Cavise, professeur émérite à la Faculté de droit de l’Université DePaul, à Chicago. En entrevue à Désautels le dimanche, à Radio-Canada, il a ajouté que ce sentiment est d’autant plus présent chez la police, qui jouit de la protection que lui confère la loi. D'après ce juriste, cette attitude de supériorité et de méfiance envers les Afro-Américains est tellement répandue qu’il est plus difficile de convaincre les juges et les jurés, qui ont toujours tendance à croire ce que dit la police. D’où d’ailleurs ce sentiment d’impunité et d’injustice largement partagé dans les communautés noires aux États-Unis.

Les Noirs américains sont 10 fois plus pauvres que les Blancs américains, avec une richesse moyenne (actifs) de 17 150 $US comparativement à 171 000 $US. Ils gagnent des revenus annuels 40 % moins élevés que les Blancs. Et ils ont 2,6 fois plus de risque de vivre sous le seuil de la pauvreté. « C’est difficile de bâtir de la richesse quand vous gagnez moins d’argent, que votre accès à l’éducation est plus difficile et que votre taux de chômage est deux fois plus élevé », résume l’économiste Omari Swinton, directeur du département d’économie à l’Université Howard.

Il y a deux poids, deux mesures totalement basées sur la couleur de peau. Vous rappelez-vous les images d’Américains blancs lourdement armés qui ont investi, fin avril, l’entrée du Capitole du Michigan pour manifester contre le confinement? Si les manifestants avaient été noirs, les aurait-on laissé faire?

Selon le Washington Post, en date du 28 mai 2020, 4728 Américains ont été tués par la police depuis le 1er janvier 2015. De ceux-ci, 26 % étaient Noirs, eux qui ne représentent que 13 % de la population américaine. À son émission du 31 mai sur CNN, en citant d’autres études, le journaliste Fareed Zakaria confirmait que les Noirs se font arrêter quatre fois plus par la police.

À lire certains propos sur les réseaux sociaux, on croirait que notre pays ne connait pas les mêmes problèmes raciaux qu’aux États-Unis et qu’il n’y a pas de racisme dans le système. Pas de profilage racial. Pas de discrimination dans la façon d’être traité. Au Canada, on serait au-dessus de tout ça… mais saviez-vous qu’un homme noir, au Canda, en 2015, gagnait ainsi environ 15 000 $ en moyenne de moins que les autres hommes, selon la plus récente étude de Statistique Canada? En 2000, cet écart était de 11 869 $. En 2016, une femme noire avait presque deux fois plus de risques que les autres – 19,6 % au lieu de 10,9 % – d’être victime d’un traitement injuste ou de discrimination au travail.

Au Canada, toujours selon Statistique Canada, les Noirs ont un taux de diplomation comparable à celui du reste de la population : 27,5 % femmes et 27,7 % des hommes noirs avaient un diplôme postsecondaire en 2016, contre 32,7 % et 26,7 % dans le reste de la population. L’éducation, donc, n’explique pas les salaires à la baisse.

Quand on regarde froidement les chiffres, on a vraiment encore beaucoup à faire au niveau racial et ce, peu importe la couleur de la peau. Nous, Blancs privilégiés, avons le devoir et la responsabilité de faire changer les choses. Nous sommes la base du problème et il est temps de l’assumer. Notre devoir est d’apprendre à nos enfants l’existence d’injustices basées sur la race. Et il faut surtout leur apprendre à les dénoncer et à ne pas les tolérer.

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