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Donalda m'a souri

21 juin 2020

par : Lettre ouverte de monsieur Pascal Barrette

photo : Pascal Barrette

Cela s’est passé à l’été 1964. Le plus gros événement du Témiscamingue avait été la visite de Séraphin et Donalda à Saint-Bruno-de-Guigues. Le village avait organisé un défilé avec Robin des bois en Mercury Monterey décapotable, les majorettes à jupettes, le lutteur professionnel Little Beaver à cheval et le couple à l’honneur tiré dans un buggy d’époque. Le seul accessoire qui de leurs vêtements n’était pas d’époque était leur paire de souliers dans la scène où ils jouent les personnages d’Un homme et son péché de Claude-Henri Grignon. Ce roman modulait chez nous l’heure de la récitation du chapelet au temps de la radio et la fin du lavage de vaisselle au temps de la télévision. Dans le temps, on ne coupait pas le mot en « télé ». On avait le temps de dire le mot au complet.

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L’été ’64, j’oublie comment je m'étais rendu à Guigues. Avec un de mes premiers appareils 35 mm, sans télémètre ni posemètre et qui scratchait les négatifs, j’ai eu la chance de photographier le couple mythique. La parade a culminé avec un spectacle à l’aréna. Celui-ci avait remplacé la patinoire en plein air où, vers l’âge de 9-10 ans, s’était terminée ma carrière de goaler. J’avais dû perdre dans un match inter-villages parce que je ne me souviens pas avoir gagné.

Revenons à Séraphin, Jean-Pierre Masson de son vrai nom, et Donalda, Andrée Champagne, décédée récemment à 80 ans. Le spectacle avait commencé par un combat de lutte dont la vedette était Little Beaver. Séraphin avait joué à l’arbitre. Puis le couple a interprété une scène du téléroman, celle aux souliers pas d’époque. Mais « viande à chien », les expressions et intonations l'étaient.

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En numérisant mon film, j’ai fait une trouvaille. La photo est mauvaise mais l’image est parlante, ou plutôt chantante. Débarrassée de son châle de pauvresse et ses cheveux retombés, Andrée Champagne chante au micro devant l’auditoire de l’aréna bondé. Derrière cette foule, on voit des annonces avec numéros de téléphone à deux chiffres. J’avais oublié qu’Andrée Champagne était aussi interprète. Quel talent que cette dame au parcours impressionnant!

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Je suis fier d’avoir pu conserver pendant 56 ans, littéralement dans une proverbiale boîte à souliers, ce film d’une soirée qui avait encapsulé un siècle d’histoire entre le temps du buggy, en passant par le début de la télévision et, comme en témoigne le costume luisant du jeune batteur, le temps du yéyé.

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J’ai patiemment dépoussiéré ces photos en vrai et en Photoshop, ce qui devrait me mériter quelques jours de moins au purgatoire. Ma préférée est celle de Donalda qui me sourit. Beau cadeau de cette grande comédienne qui, à l’arrivée de la télévision à Lorrainville en 1958, faisait pleurer notre mère et du coup avait, d’une certaine manière, aiguisé notre sensibilité.

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Pascal Barrette est né à Lorrainville en 1947. Il est le 9e des dix enfants de Jeanne McFadden et Lucien Barrette. Après son primaire au village, il a étudié dans quatre pensionnats religieux et a complété divers diplômes en théologie, communications et administration publique. Monsieur Barrette a d’abord travaillé aux communications du Diocèse d’Ottawa. Après avoir été photographe reporter étudiant au quotidien Le Droit les été 1968-69, il est revenu à la salle des nouvelles comme reporter et chroniqueur. Son dossier chaud a été la bataille pour la création des conseils scolaires français en Ontario. Il a par la suite travaillé à Radio-Canada et a terminé sa carrière comme conseiller dans des agences réglementaires fédérales à Ottawa. Il a deux fils et cinq petits-enfants. Ses passe-temps préférés sont l’écriture et la photo.

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