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De Yoan… à Anne!

31 mars 2023

par : Dominique Roy | Journaliste de l’Initiative de journalisme local

Le 31 mars est la Journée internationale de visibilité transgenre. Pour l’occasion, nous vous présentons le parcours d’une femme trans, Anne Duchesne, originaire de Laverlochère, qui a accepté de témoigner de son vécu pour contribuer à faire tomber les barrières, les préjugés et la discrimination dans une perspective d’un monde meilleur, respectueux et inclusif. C’est donc une jeune femme confiante et fière, en mode « all in », qui a accepté de répondre à nos questions.

Âgée de 22 ans, la jeune femme habite maintenant à Québec. Sa « naissance », en tant que femme, est encore récente. Le processus a été amorcé en 2021, mais avant de parler de celle qu’elle est, retournons en arrière pour connaître celui qu’elle était, Yoan.

« Le coming in »

Déjà, à l’âge de sept ou huit ans, Yoan savait qu’il était différent. Il voyait une travailleuse sociale et la perspective qu’il ne soit pas né dans le bon corps avait déjà été effleurée. Sans qu’il y ait de prise de conscience véritable, l’enfance a suivi son cours. À l’adolescence, certains indices se sont manifestés. Par exemple, en jouant au volleyball avec les gars, il regardait les équipes féminines avec l’envie de jouer avec elles, non pas pour les séduire, mais tout simplement parce qu’il sentait que sa place serait auprès d’elles. Les filles, de façon générale, il les trouvait belles. Il aimait leur maquillage, leur habillement, leur style. Il voulait leur ressembler, mais il ne comprenait pas encore parfaitement ce qui se passait, parce que les garçons l’attiraient. Il vivait beaucoup de confusion en lui. La quête de l’identité associée à l’adolescence a été un passage tortueux pour Yoan qui se posait mille et une questions. Aujourd’hui, Anne parle de cette époque comme une graine qui germait en elle, qui faisait son chemin petit à petit pour trouver sa véritable voie. Son discours est empreint de sérénité par rapport à cette recherche intérieure.

À l’âge de 20, alors qu’il habitait Québec, Yoan a pris la décision de passer à l’action. C’était clair pour lui qu’il était « elle ». Pour faire ce « move », Anne croit qu’il lui fallait quitter le Témiscamingue étant donné la communauté LGBTQ+ peu nombreuse, le réseau social plus restreint, les services non accessibles en région, toutes des entraves au passage d’un genre à l’autre. Son départ était nécessaire pour s’affirmer et trouver celle qu’elle était vraiment. Les gens du Témiscamingue ont connu Yoan, alors que là-bas, c’est Anne qui a toute la place. La diversité est tellement présente en ville que la jeune femme passe complètement inaperçue, ce qui contribue à son épanouissement.

Le « coming out »

En amitié, rien n’a changé. Le cercle d’ami.e.s a bien accepté Anne; plusieurs faisant partie des confidences depuis longtemps. Au niveau familial, c’est en octobre 2021 que l’annonce officielle eut lieu, « que j’ai lancé la bombe ». La question de ses parents : est-ce encore une de ses idées extravagantes? Cette réaction, elle la comprend, car elle avoue que ses projets dépassaient souvent le « conventionnel ». Anne était préparée aux réactions possibles, son suivi étant déjà amorcé avec une équipe spécialisée. Quand elle parle de cette annonce, elle la décrit comme un deuil à vivre. À son retour au Témiscamingue, aux Fêtes 2021, il y avait encore des étapes à traverser de la part de ses proches. À sa visite suivante, en avril 2022, tout était redevenu comme avant. Elle sentait vraiment qu’Anne avait sa place au sein de sa famille, au même titre que Yoan avait la sienne. « C’était vraiment plus facile d’en parler. Je sentais qu’il y avait un cheminement qui a été fait de leur côté, et je te dirais que depuis ce temps, je le sens vraiment que mes parents sont fiers de moi. » D’ailleurs, la semaine avant cette entrevue, Anne parlait avec sa mère qui lui rappelait à quel point elle trouvait son Yoan joli, mais que, finalement, elle trouve Anne encore plus belle. Cette anecdote la fait sourire; elle comprend que ses parents l’acceptent, qu'ils seront toujours là pour elle et que leur amour est inconditionnel. Avec son frère, la relation est plus forte que jamais. Anne n'a jamais ressenti de choc venant de lui, probablement une histoire de génération plus sensibilisée à la question, croit-elle. Pour les grands-parents, là aussi, elle a le sentiment que tout s’est bien passé. Ils avaient des questions auxquelles elle a répondu avec franchise, mais sans plus. Dans l’ensemble, outre le deuil inévitable, Anne n’a pas vécu le rejet ni le jugement de ses proches.

La transition biologique

La présence publique de modèles trans a réellement exercé une influence sur sa transition. Ce n’est nulle autre qu’Ally Imbeault, femme trans ayant participé à OD Martinique, qui l’a renseignée sur les différentes étapes à suivre. À l’automne 2021, tout s’est enchaîné : rencontre avec les spécialistes (médecin, psychologue, sexologue), traitement hormonal (œstrogène, bloqueurs de testostérone), épilation au laser. Le passage d’un corps à l’autre se fait quand même en douceur. Anne s’adapte à sa nouvelle physionomie et contrôle quand même bien les réactions psychologiques qui accompagnent sa transition (les hormones la rendant plus émotive). À l’heure actuelle, les démarches pour la vaginoplastie sont entamées, un processus qui s’échelonne sur près d’un an.

Un avenir prometteur

Pour ce qui est de l’attirance sexuelle, ce fut toujours clair dans sa tête; elle s’intéresse aux hommes. Donc, Yoan, gai, est devenu Anne, hétéro. Elle avoue que la recherche d’un partenaire est un défi. Pour certains hommes, elle représente parfois un fantasme, une expérience, alors que d’autres craignent le jugement des autres. Anne est remplie d’espoir de trouver, un jour, l’homme qui deviendra son partenaire de vie. Son modèle familial idéal est des plus conventionnels : un conjoint, des enfants, un chien… C’est ce qu’elle espère et sa famille le sait.

Chose certaine, Anne assume pleinement ses choix. Ouverte d’esprit, elle est une véritable ambassadrice de la visibilité transgenre. Pour elle, Yoan est un passé impossible à renier et c’est avec lui qui sommeille maintenant en elle que l’avenir s’annonce prometteur. Elle travaille actuellement chez Adrénaline Sports. Cet été, elle terminera son Cégep pour obtenir son diplôme. Et pour la suite des choses, des études universitaires mijotent dans sa tête. Elle est confiante quant à son futur. Elle rayonne de bonheur tout en se sachant bien entourée.

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