— PUBLICITÉ—

Une institution ferme ses portes à Saint-Bruno-de-Guigues

19 septembre 2023

par : Dominique Roy | Journaliste de l’Initiative de journalisme local

Le dimanche 10 septembre dernier a été une journée marquante pour l’histoire de Saint-Bruno-de-Guigues. L’Épicerie du coin 7 sur 7, mieux connue sous le nom de Dépanneur chez K-Cor, a officiellement fermé ses portes. Après 40 ans de services, l’heure de la retraite a sonné pour le propriétaire, Richard Marchand, alias K-Cor.

Le bâtiment, situé au 2, rue Principale Sud, a été construit dans la première moitié du 20e siècle. Plusieurs propriétaires s’y sont succédé et les vocations y ont changé au fil des ans : première boulangerie du village, maison de pension pour les voyageurs, magasin de tissus à la verge avec étalages de bas de soie et de cachemire, de corsets, etc. En 1973, Sylvio et Marie-Lourdes Marchand, propriétaires des lieux depuis 1965, délaissent les tissus pour convertir le tout en dépanneur. Dix ans plus tard, le couple vend le commerce à leur fils, Richard Marchand, qui a opéré le tout pendant 40 ans, comme mentionné dans le Livre du centenaire de Saint-Bruno-de-Guigues.

Le dépanneur est devenu un véritable lieu de rassemblement. Tous les matins, les habitués s’y arrêtaient pour prendre un café et pour jaser. Rassemblés sur la galerie, dans l’escalier et sur la table de pique-nique, c’était le point de ralliement pour bien débuter la journée, une routine qui manquera à plusieurs.

Les raisons de la fermeture

Pour monsieur Marchand, plusieurs raisons expliquent sa décision. En janvier dernier, il perdait sa conjointe des 17 dernières années. « J’ai perdu un gros morceau dans ma vie. » La motivation d’opérer le dépanneur n’y était plus. Sa conjointe prenait les rênes de l’entreprise pour qu’il puisse voyager l’esprit en paix. Du même coup, il a donc perdu cette aide qui lui était si précieuse.

À 66 ans, même s’il est en pleine forme, l’homme s’inquiète aussi de ce qu’adviendrait le commerce s’il tombait malade. Il ne voudrait pas que cette lourde responsabilité revienne sur les épaules de ses enfants. « Mes deux enfants ont de bonnes jobs. Ils sont bien placés. Je ne voudrais pas leur créer de l’ouvrage de plus s’il m’arrivait quelque chose. Je ne voudrais pas les mettre dans le trouble. »

Enfin, le roulement du personnel a contribué à la fatigue de l’entrepreneur, une réalité difficile pour les commerces d’aujourd’hui. « Les premières années où j’ai commencé, il y en avait une qui travaillait pour moi. Elle allait aux études à Rouyn. Elle débarquait sur l’autobus le vendredi soir à 7h10 et elle travaillait au dépanneur […] Moi, je faisais la semaine et elle faisait les fins de semaine. Je suis pu capable de trouver ça aujourd’hui. »

Et cette employée qui avait 18 ans quand elle a commencé à travailler pour Richard Marchand est Annie Alvarez. « Je ne pense pas avoir fait autant d’heures qu’il le dit, mais effectivement, j’en ai fait beaucoup. C’était un bon patron. On s’est toujours bien entendus. On n’a jamais eu d’accrochages. C’était un travail agréable. Je rencontrais les gens du village. Tout le monde était tout le temps de bonne humeur. C’était un bel environnement de travail. C’était l’fun. C’était la place du village pour la location de films. C’était occupé quand il y avait des tournois de hockey », se rappelle-t-elle.

La fermeture et « l’après-fermeture »

Depuis cet hiver, le dépanneur était en vente, mais aucun acheteur sérieux ne s’est pas manifesté. Les propriétaires de la Boucherie Fruits et Légumes ont approché monsieur Marchand pour acheter son inventaire. En plus d’offrir le service de dépanneur 7 jours sur 7, les propriétaires de la boucherie vendent aussi les permis de chasse et de pêche ainsi que les billets de loterie. Pour ce qui est du service d’autobus, monsieur Marchand ignore ce qu’il en adviendra.

Dimanche dernier, c’était donc la fête au dépanneur. Des amis, des citoyens, des habitués de l’endroit ont défilé tout au long de la journée pour jaser et se remémorer de bons souvenirs, tantôt sur le trottoir, parfois dans le dépanneur et longtemps sur la galerie. Pour sa dernière journée, Richard Marchand avait prévu mettre la clé dans la porte en fin d’après-midi. Finalement, les visites de courtoisie se sont succédé jusqu’à 23 h. K-Cor en parle avec beaucoup d’émotions.

Pour l’instant, les projets de retraite sont vagues. Richard Marchand songe à convertir le dépanneur en logements. C’est à suivre. Comme il habite toujours le haut de l’édifice, il se pourrait fort bien qu’on le croise encore sur le coin de sa galerie, accoté à la rampe, en train de jaser avec les passants et ses anciens clients… parce que cette image figée dans le temps fait partie intégrante du paysage de cette municipalité.

Articles suggérés