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Ces commerces du Témiscamingue qui ont disparu | Le Garage Central de Latulipe

7 juillet 2020

par : Dominique Roy

photo : La dépanneuse du Garage Central

Au cours de l’été, nous vous présentons quelques commerces disparus qui, jadis, ont grandement contribué à l’économie des municipalités du Témiscamingue. Cette semaine, rendez-vous au Garage Central de Latulipe.

Les premières années

Vers la fin des années 1930, Louis Poudrier et ses deux fils, Ernest et Gérard, construisent un garage en plein cœur du village de Latulipe, au 13, rue Principale Ouest. Les deux frères y travaillent et habitent ensemble dans un logement situé au-dessus du garage et ce, jusqu’à ce qu’Ernest se marie et que Gérard démarre son propre commerce, un autre garage situé juste en face, de l’autre côté de la rue.

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Au Garage Central, Ernest Poudrier offre différents services : mécanique automobile, service d’entretien et de remorquage jour et nuit et service aux pompes sept jours sur sept sous la bannière Esso Impérial. Aussi, il offre le service de taxi en snowmobile, une Bombardier B12 pouvant transporter jusqu’à douze personnes. Jacques Poudrier, le fils d’Ernest, se souvient de cette époque, au début des années 1950, alors qu’il avait 9 ou 10 ans. « La boulangerie Héroux livrait des boîtes de pains chez mon père pour qu’il puisse les amener en snowmobile chez les commerçants de Moffet et de Laforce. J’accompagnais mon père et je me souviens encore de l’odeur du pain frais. Ça sentait bon. Mon père faisait aussi la distribution du courrier dans ces mêmes commerces. Des sacs de courrier arrivaient au garage. Ça provenait du ministère des Postes. Tout ça arrivait barré à double tour avec des cadenas et on allait porter le courrier à Moffet et à Laforce. » Monsieur Poudrier se souvient également des bûcherons que son père allait reconduire dans les camps de la rivière Roger. « J’étais là, je le suivais. Je me souviens d’avoir fait le trajet avec les bûcherons et d’avoir visité les camps. » Quand Ernest était sur le point de partir seul pour faire le taxi, les enfants se cachaient dans les sièges pour l’accompagner. « Dans la snowmobile, il y avait des grands sièges. On se cachait là-dedans et quand il avait un bon bout de fait, on sortait des sièges. Il n’avait plus le choix de nous garder avec lui pour le reste du voyage », raconte-t-il en riant. Et pendant qu’Ernest était sur la route, c’est son père Louis qui prenait la relève au garage avec d’autres employés.

La relève

En 1970, André, l’aîné des enfants d’Ernest, prend la relève. À cette époque, ce dernier est mécanicien au garage Bellehumeur à Lorrainville. Comme il ne voulait pas que l’entreprise familiale soit vendue à des étrangers, André décide d’acheter le commerce de son père. Pendant 24 ans, il y travaille à temps plein, le Garage Central étant ouvert 7 jours sur 7, de 8 h à 22 h. Les services offerts sont les mêmes que ceux de son prédécesseur, sauf pour le taxi. Ghislaine, sa femme, s’occupe de la comptabilité.

Son service de remorquage lui rappelle de nombreux souvenirs, dont celui du Bal de la pitoune de Latulipe. C’est André qui ouvrait la traditionnelle parade de camions avec sa dépanneuse. Il y avait aussi le concours de plongeons d’autos dans la rivière Fraser. Les participants prenaient leur élan sur la rue Principale, atteignant le quai public à pleine vitesse afin de plonger le plus loin possible, dans la rivière, avec leur voiture. Avec sa dépanneuse, André avait le mandat d’aller récupérer les voitures à moitié immergées. Certains souvenirs sont plus tragiques, dont certaines scènes d’accidents mortels.

Autres temps, autres mœurs, il y avait cette époque où le troc était encore possible. André se souvient d’avoir accepté des biens en échange d’un règlement de facture; entre autres, un coffre à pêche bien garni, une scie à chaîne et une carabine. Comme il habitait la maison juste à côté du garage, souvent, il se faisait réveiller en pleine nuit par un client qui voulait de l’essence. « Il y en a un qui m’a réveillé une fois en pleine nuit pour avoir 2 $ d’essence », raconte-t-il. Et que dire du prix de l’essence! Celui-ci variait si peu souvent qu’il valait la peine de le peinturer en gros lettrages sur une affiche pour l’annoncer. Ghislaine, sa femme, se souvient d’avoir servi de l’essence à deux jeunes hommes qui n’étaient pas du coin. Elle ne les connaissait pas. Alors qu’ils étaient encore à l’intérieur du garage, une personne est entrée à ce moment-là pour avoir de l’aide parce que sa voiture surchauffait. Le temps que Ghislaine aille à l’extérieur prêter main-forte à cette personne qu’elle connaissait et qu’elle revienne au garage, la caisse enregistreuse avait été vidée. Les deux inconnus étaient partis avec les recettes de la journée. En parlant de vol, il y avait une pièce au fond du garage dans laquelle André entreposait ses carabines de chasse. Un matin, la pièce avait été défoncée et les carabines avaient disparu.

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La fin

Au milieu des années 1990, André accepte un poste de mécanicien chez Clément Chrysler à Lorrainville. Il est toujours propriétaire du Garage Central, mais il l’offre en location. En 1999, pendant le weekend de Pâques, le garage est détruit par les flammes à la suite d’une explosion alors que le mécanicien locataire effectuait une soudure sous une voiture. Heureusement, ce dernier n’a pas été blessé, mais le garage fut une perte totale. Aujourd’hui, le Garage Central n’est plus, mais il a encore droit à certains privilèges. « J’achète encore des morceaux chez Distributions Gironne à Lorrainville. Quand je vais là, on me facture encore au nom du Garage Central et on me donne même l’escompte qui vient avec », termine André Poudrier avec ce grand sourire rempli de fierté.

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Vue aérienne du Garage Central | Crédit photo : National Air Photo

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Reproduction du Garage Central fabriquée avec des allumettes par Cédric, le petit-fils d'André

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