Le 22 octobre dernier, le gouvernement de François Legault lançait une consultation publique sur le changement d’heure, démarche visant à connaître la position de la population quant à la possibilité d’abolir le changement d’heure au Québec. « Chaque année, le changement d'heure suscite des débats et soulève des questions. Cette pratique qui date de la Première Guerre mondiale a des impacts importants sur le quotidien des Québécoises et des Québécois. Le temps est venu de réfléchir à la possibilité d'abolir le changement d'heure et de garder une seule et même heure toute l'année », mentionnait Simon Jolin-Barrette, ministre de la Justice et procureur général du Québec. Les Québécois ont donc jusqu’au 1er décembre pour répondre au questionnaire en ligne. Chose certaine, les avis sur le sujet sont partagés.
Impact sur les enfants et la santé mentale
Nombreux sont les parents avec de jeunes enfants qui remarquent un certain bouleversement lors des périodes liées au changement d’heure, la période de transition affectant la routine, le cycle du sommeil, l’humeur ou même la concentration de ces derniers. Nadine Jutras faisait partie de ces parents qui mettaient en place un système pour minimiser les impacts à l’époque où ses enfants fréquentaient l’école primaire. Entre autres, lors de la semaine précédant le changement d’heure de l’automne, elle retardait progressivement l’heure du coucher. À l’inverse, au printemps, elle devançait l’heure du coucher de 10 minutes par jour la semaine précédant le changement.
Karina Lavictoire, travailleuse sociale à Temiskaming Shores, est d’avis que le changement d’heure a réellement des impacts au niveau de la santé mentale. Ce qu’elle observe, c’est que ce changement arrive abruptement. Le fait qu’il s’accompagne d’un manque d’exposition à la lumière du soleil entraîne des conséquences, comme un manque de motivation. Certains deviennent alors moins actifs, ce qui donne l’impression d’un hiver long. Il y a alors un état de découragement qui peut s’installer. Elle aussi constate que la transition est parfois difficile pour les familles avec de jeunes enfants, notamment quand les parents en sont également affectés.
Impact sur le marché du travail
Une étude sur des travailleurs de la santé publiée en 2020 dans la revue scientifique Sleep a permis de conclure que les erreurs humaines bondissent de 18 % dans les sept jours suivant le changement d’heure au printemps et de 5 % suivant celui de l’automne. Le manque de sommeil qui accompagne le changement d’heure amène des problèmes d’attention, de prise de décisions, de concentration, etc., ce qui augmente non seulement les accidents de travail, mais leur gravité. Et d’un point de vue financier, le changement d’heure a un impact sur la rémunération et l’horaire de travail de certains employés. Par exemple, pour l’employé en poste dans la nuit du changement d’heure à l’automne, son quart de travail augmente d'une heure supplémentaire pour lui, ce qui veut aussi dire une heure de plus à payer pour l’employeur.
Impact à la ferme
Annick Gauthier, de la ferme laitière JMA Gauthier, à Lorrainville, a réfléchi, elle aussi, à la question. « Nos soirées d’été vont se finir beaucoup plus tôt s’ils raccourcissent nos heures de lumière. On aime bien ça finir et étirer nos journées jusqu’à 10 h le soir. Du côté des vaches, dans l’étable, Hydro-Québec ferait la différence. On laisserait les lumières allumées. C’est sûr que ce n’est pas pareil comme la lumière du jour dans la routine des vaches, parce que le nombre d’heures d’ensoleillement vient jouer sur les chaleurs du troupeau. » Elle parle aussi de la traite des vaches qui doit toujours se faire à la même heure pour maximiser le rendement. Qu’il y ait ou non l’abolition du changement d’heure, l’important, c’est la stabilité. Elle termine en disant que le producteur va s’adapter, comme il le fait déjà avec toutes les situations liées au changement climatique.
Impact Québec-Ontario
Si le Québec abolissait le changement d’heure alors que la province voisine conservait la pratique actuelle, inévitablement, il y aurait des répercussions. Pendant une partie de l’année, il y aurait une différence d’une heure entre le Québec et l’Ontario, ce qui compliquerait la coordination des horaires de travail, des rendez-vous, etc. Cette réflexion a effleuré l’esprit d’un camionneur du Témiscamingue qui voyage fréquemment entre les deux provinces. « Bien sûr qu’il faudrait prendre ça en considération pour les heures d’ouverture où on fait nos pickups/drops. » La difficulté serait la même, par exemple, pour les adolescents de Timiskaming First Nation qui fréquentent la Timiskaming District Secondary School de New Liskeard. Pour être à l’heure pour le début des cours, il leur faudrait se lever beaucoup plus tôt qu’à l’habitude, alors qu’il est biologiquement prouvé que l’horloge interne d’un adolescent est différente de celle d’un adulte, cette dernière étant programmée pour s’endormir plus tard et se lever plus tard.
Enfin, si on abolissait le changement d’heure, laquelle devrait-on privilégier? Marie-Hélène Pennestri, directrice du laboratoire de sommeil pédiatrique Il était une nuit de l’Université McGill et de l’Hôpital en santé mentale Rivière-des-Prairies, considère que l’heure normale (automne/hiver) est la plus adaptée aux cycles de lumière extérieure. Pour le système humain, c’est l’exposition à la lumière du soleil le matin qui a les effets les plus bénéfiques.