Après plus de 15 ans de service dévoué, la Coop Santé Témiscavie a annoncé qu’elle cessera ses activités le 30 juin 2025. La décision, rendue nécessaire par le départ prochain à la retraite de trois de ses quatre médecins, marque la fin d'une ère pour cet établissement qui, depuis sa création en 2008, s’est imposé comme un pilier de la santé et du bien-être pour la communauté témiscamienne. Avec 2 700 patients qui se retrouvent désormais sans médecin de famille, l’enjeu de l’accès aux soins de santé dans la région reste crucial.
Pour Paul-Émile Barbeau, administrateur et porte-parole du conseil d’administration de la Coop, cette fermeture est bien plus qu’un simple arrêt de services médicaux. « Pour moi, c’est un moment très émotif. J’ai participé à ce projet depuis le tout début, depuis l’idée même de créer une coopérative de santé. Je me rappelle, les médecins devaient quitter le centre hospitalier, à la demande de l'administration. On demandait aux médecins généralistes de quitter pour aller en clinique parce qu'on avait trop de spécialistes qui venaient faire des consultations au Témiscamingue, et on manquait de bureaux. L’orthopédiste, par exemple, ne venait pas pour une seule journée, mais pour deux jours. Le premier jour, il réalisait des chirurgies mineures, comme des tunnels carpiens et d’autres petites interventions. Le lendemain, il faisait sa clinique externe de consultation ou de suivi. En cas de complication avec les chirurgies de la veille, il pouvait revoir les patients sur place. Nous avions aussi l’ophtalmologue, l’ORL, la médecine interne, et la gynécologie. »
En 2005, une campagne de financement avait été lancée pour construire la Coop, mais aussi pour l’acquisition d’un scanner. « Cette levée de fonds a été cruciale pour obtenir le financement nécessaire et pour trouver un emplacement », se souvient monsieur Barbeau. Ce modèle, basé sur la coopération et l’innovation sociale, a permis à la Coop Santé Témiscavie de répondre aux besoins cruciaux en santé de la région pendant de nombreuses années. Toutefois, depuis 2020, la Coop a rencontré de nouvelles difficultés. « À l'origine, on comptait sur une dizaine de médecins pour offrir des soins à Ville-Marie, mais avec le temps, cela est devenu de plus en plus difficile. L’arrivée du SAP (Service d’accès en première ligne) devait faciliter la collaboration entre les spécialistes, mais cela a créé une compétition entre les régions, chaque territoire voulant garder ses médecins », explique monsieur Barbeau.
La pandémie de COVID-19 a également affaibli le modèle de la Coop, accentuant les défis en matière de recrutement. Les réformes gouvernementales, notamment la réforme de la santé sous Philippe Couillard, ont aussi compliqué la situation. « La réforme a assigné notre région à l'Université McGill, ce qui a changé la donne. Avant, nous recevions des résidents de Sherbrooke, des jeunes médecins souvent plus ouverts à s'installer en région. Avec McGill, beaucoup de résidents étaient davantage tournés vers les milieux anglophones, ce qui a compliqué le recrutement. »
Malgré l’annonce de fermeture, le conseil d’administration de la Coop ne souhaite pas abandonner la mission de soutien à la santé communautaire. « Notre préoccupation première est de trouver une seconde vie à notre immeuble situé sur la rue Dollard, à Ville-Marie, afin qu’il continue de servir la population témiscamienne. Que ce soit un nouveau service de proximité, un espace dédié à la santé ou au mieux-être, ou encore un projet innovant répondant aux besoins émergents des Témiscamiens, les possibilités sont nombreuses. Le conseil ne peut pas prendre cette décision seul, donc nous tiendrons une assemblée pour consulter nos membres sur les options possibles », conclut-il.