De plus en plus d’églises, dont certaines constituent de véritables joyaux d’architecture, ferment leurs portes. Selon les données du Conseil du patrimoine religieux du Québec analysées par Le Devoir, 278 lieux de culte ont été fermés ou démolis entre 2003 et 2022 alors que 385 ont été recyclés pour leur donner une nouvelle vie. Nos églises du Témiscamingue n’échappent pas à la situation. On peut penser, entre autres, à la fermeture de l’église de Fabre, à la transformation de celle de Fugèreville ou même aux récentes initiatives du comité l’Écho du clocher pour préserver l’église de Lorrainville.
Alors que le financement se fait rare pour les transformations d’église, en 2024, l’église Saint-Antoine-Abbé de Latulipe a connu un sort particulier. Un ancien résident de la municipalité, attaché à ses racines, a entrepris le projet ambitieux d’acheter et de revitaliser l’église du village où il a passé une partie de son enfance. L’offre d’achat de Jean-Pierre Pepin a été acceptée par la Fabrique et les travaux de transformation sont amorcés. L’homme bien nanti compte investir un million de dollars avec l’achat et la transformation du bâtiment et des terrains adjacents qui, désormais, lui appartiennent, une vente hors de l’ordinaire qui semble être passée sous les radars médiatiques.
Monsieur Pepin, 76 ans, se considère comme un « déraciné ». En quittant le village à l’âge de 11 ans, il s’était promis d’y revenir y finir ses jours. Et son retour est loin de passer inaperçu. D’abord, ce qu’il faut savoir, c’est que le lieu demeure sacré. Le chœur de l’église se transforme actuellement en chapelle pouvant recevoir une vingtaine de personnes. Les messes aux deux semaines ont donc toujours lieu. « Et ça va être gratuit tant que le conseil de la Fabrique va exister. Je vais les abriter gratuitement », confirme monsieur Pepin. Cette section de l’église, délimitée à l’aide de rideaux, demeurera mobile, permettant ainsi d’accueillir plus de gens lors d’événements religieux plus rassembleurs, comme la messe de Noël. Des bancs d’église ont été conservés à cet effet.
Le Club de l’Âge d’or de Latulipe, installé au sous-sol de l’église, conserve ses quartiers. Pour Jean-Pierre Pepin, il est hors de question de déloger qui que ce soit étant donné la fonction rassembleuse et communautaire qu’il cherche à préserver pour ce bâtiment. Des subventions déjà octroyées permettront la réalisation de travaux conformes en matière d’accessibilité. Ce projet sera piloté par le Club de l’Âge d’or au cours des prochains mois.
Comme grande nouveauté, l’endroit deviendra un centre d’archives dans lequel on pourra retrouver un peu de tout… contrats notariés, cartes postales, livres et grandes collections historiques et généalogiques, timbres, cartes de hockey, etc. Au moins 2500 caisses d’archives, déjà classées, sont sur place. D’autres arriveront plus tard. Jean-Pierre Pepin a été propriétaire de l’Institut généalogique Drouin de 1996 jusqu’à l’automne dernier, une collection d’archives comptant des centaines et des centaines de registres d’états civils. À lui seul, il compte plus de 10 000 publications généalogiques de tout genre. L’église lui permet donc de conserver des documents et des collections accumulés au fil des ans.
Enfin, l’église deviendra un centre multifonctionnel qui pourra accueillir diverses activités culturelles et communautaires. Expositions, spectacles, ateliers, activités éducatives, etc. Comme monsieur Pepin n’habite pas à Latulipe à temps plein, deux personnes embauchées ont le mandat de définir et de planifier tout l’aspect culturel qu’offrira ce centre de diffusion. La tête pleine de projets, l’homme souhaite multiplier les collaborations avec des organisations régionales. Il pense, entre autres, à ce qu’il pourrait offrir aux classes des écoles Marie-Immaculée et Du Carrefour de Latulipe.
Bref, grâce à son investissement personnel et à son engagement, Jean-Pierre Pepin espère participer au dynamisme de ce village en créant un espace où les gens pourront connecter avec leur histoire et leur culture.