En pleine période d’instabilité politique devant la guerre tarifaire, des centaines d’entreprises à travers le Québec craignent pour leur survie, alors que les restrictions imposées au Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET), notamment le rehaussement du salaire offert nécessaire afin d’être considéré comme un emploi à haut salaire, mettent en péril des milliers de permis de travail. La Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) et les chambres de commerce de l’Abitibi-Témiscamingue demandent un moratoire sur les restrictions imposées au PTET dans ce contexte économique particulier. Elle plaide pour une collaboration des deux paliers de gouvernements afin d’agir rapidement sur le maintien du niveau actuel de travailleurs étrangers temporaires (TET).
Des travailleurs essentiels pour préserver notre économie régionale
Selon les dernières données de l’Enquête sur la population active, datant de janvier 2025, le taux de chômage au Québec se situe parmi les plus bas au Canada, avec un taux de 5,4 %. La pénurie de main-d’œuvre se vit en région depuis de nombreuses années et c’est, entre autres, le bassin de travailleuses et travailleurs issus de l’immigration qui est venu soutenir notre vitalité économique.
Ainsi, le départ de ces travailleurs étrangers temporaires forcera de nombreuses entreprises à ralentir leur production, refuser des contrats et, dans certains cas, cesser leurs activités. Ces nouvelles restrictions au PTET accentuent la pression sur ces entreprises, elles qui déploient déjà des efforts colossaux en termes de recrutement, d’accueil et d’enracinement des personnes issues de l’immigration.
« En pleine période d’incertitude économique, il serait déplorable d’ajouter une deuxième crise en privant les entreprises de travailleurs essentiels. Ces derniers contribuent à la compétitivité et à la vitalité économique de nos régions. En entreprise, on commence déjà à ressentir les effets des départs imminents de ces travailleurs », affirme Véronique Proulx, présidente-directrice générale de la FCCQ.
« Depuis plusieurs années, nous demandons aux divers paliers de gouvernements de mettre en place des programmes et projets-pilotes qui visent la régionalisation de l’immigration. Nos entreprises ont besoin de ce bassin de main-d’œuvre alors que les restrictions au PTET en obligeront plusieurs à revoir leur modèle économique. Certaines devront suspendre un nombre d’activités de leurs opérations, et en freinant ainsi leur croissance et en mettant même parfois en péril leur survie, c’est notre vitalité économique régionale qui sera touchée », déclare Sébastien Richard, 2e vice-président de la Chambre de commerce de Val-d’Or.
« Ce décret est lourd de conséquences, autant pour les employeurs que pour les travailleurs et leur famille. Il ne tient aucunement compte de la réalité du marché du travail en région et de la dépendance de plusieurs entreprises à cette main-d’œuvre essentielle. Le gouvernement fédéral doit impérativement revoir cette décision et prendre en considération autant les impacts humains qu'économiques importants qu'elle engendre. La vitalité économique de notre région est en jeu et nous comptons plus que jamais sur le gouvernement provincial afin de défendre notre position et le développement de notre région », souligne Stephane Brown, président de la Chambre de commerce et d’industrie de Rouyn-Noranda.
« Nous exhortons le gouvernement à reconsidérer ces mesures et à collaborer avec les acteurs économiques pour élaborer des politiques qui tiennent compte des réalités du marché du travail local et des besoins spécifiques de nos régions. Nous sommes prêts à participer à un dialogue constructif pour trouver des solutions viables qui bénéficieront à l'ensemble de notre communauté », ajoute Karie Bernèche, coprésidente de la Chambre de commerce Témis-Accord.
« Au cours des dernières années, nous avons investi plusieurs millions de dollars dans l’agrandissement et la modernisation de notre usine afin de répondre à la demande croissante de nos clients. Cet investissement s’appuyait sur la possibilité d’accéder à une main-d’œuvre qualifiée, notamment via l’immigration. Aujourd’hui, ces nouvelles restrictions mettent en péril notre capacité à rentabiliser ces investissements et à répondre aux besoins du marché. SI aucune modification n’est apportée à la législation actuelle, nous serons contraints de revoir notre stratégie d’affaires, ce qui pourrait entraîner une diminution de nos activités, voir des suppressions de postes », affirme Caroline Renaud, directrice des ressources humaines, Témisko (1983) inc. à Notre-Dame-Du-Nord.
Des milliers de travailleurs bientôt à la retraite
Au troisième trimestre de 2024, le Québec enregistrait 127 000 postes vacants et un taux de chômage moyen de 5,4 %. En 2023 seulement, plus de 62 000 permis de travail étrangers temporaires ont été délivrés au Québec qui comblent les emplois de plus de 17 000 employeurs. En Abitibi-Témiscamingue, c’est 1 105 permis qui ont été délivrés en 2023 pour un total de 412 entreprises bénéficiant de ce programme. Il faut évaluer l’impact des restrictions imposées à l’automne 2024 en tenant compte qu’il y aura un million de départs à la retraite d’ici 2031.
« On ne peut pas tenir deux discours contradictoires. D’un côté on dit aux entreprises "augmentez votre productivité" et de l’autre "réduisez le nombre de travailleurs étrangers". Réduire l’immigration de travailleurs étrangers est économiquement intenable, particulièrement au moment où nous devons mettre les bouchées doubles pour augmenter notre compétitivité. Il faut se donner les moyens pour réaliser nos ambitions et l’application d’un moratoire fait partie de la solution », conclut madame Proulx.