Une étude commandée par la Conférence des préfets de l’Abitibi-Témiscamingue et réalisée par Aviseo Conseil met en lumière un déséquilibre fiscal majeur entre la région et le gouvernement du Québec. Chaque année, l’Abitibi-Témiscamingue verserait entre 666 et 822 millions de dollars de plus au trésor public québécois qu’elle n’en reçoit en retour. Si la situation perdure, ce déficit cumulé pourrait grimper à 6,7 milliards de dollars d’ici dix ans.
Malgré une économie robuste, la région se heurte à un soutien gouvernemental jugé largement insuffisant. « Notre région a tout pour contribuer activement au Québec de demain : une économie forte, un potentiel humain immense », soutient Jaclin Bégin, président de la Conférence des préfets et préfet de la MRC d’Abitibi-Ouest. « On travaille fort pour faire de notre région un milieu de vie vivant et structurant et on ne veut pas décourager nos citoyens, actuels et futurs, par un sous-financement de nos infrastructures publiques. Mais pour poursuivre sur cette lancée, il faut que l’État reconnaisse notre apport et nous donne les moyens de nos ambitions. On ne demande pas un privilège, on demande d’être traités à la hauteur de ce que l’on rapporte. C’est une question d’équité. »
Le constat est d’autant plus préoccupant que la région affiche un niveau de productivité du travail supérieur de 25 % à la moyenne québécoise, un taux de chômage parmi les plus bas de la province et une capacité d’attraction d’investissements étrangers remarquable. Pourtant, l’étude révèle que 80 % des investissements en immobilisation proviennent du secteur privé. Cette dynamique fragilise les services publics et compromet la vitalité régionale, surtout dans un contexte de déclin démographique anticipé de 3,3 % d’ici 2050, contrairement à une croissance de 9,4 % attendue ailleurs au Québec.
Les préfets de la région se sont exprimés avec vigueur. Pour Diane Dallaire, préfète de la Ville/MRC de Rouyn-Noranda, « le déséquilibre fiscal dénoncé dans cette étude a des conséquences bien réelles. Attirer et retenir des familles devient un défi quand les infrastructures vieillissent et que les services publics ne suivent pas. Rouyn-Noranda est un moteur socioéconomique régional important, mais pour continuer à se développer, elle a besoin d’un appui à la hauteur de sa contribution. »
Même son de cloche au Témiscamingue, où Claire Bolduc déplore un manque de reconnaissance dans les choix budgétaires : « L’industrie forestière fait vivre nos communautés, mais elle est avant tout essentielle à l’économie du Québec, tout comme les gens qui exploitent la ressource de manière durable. […] Cette richesse contribue grandement aux revenus de l’État, et pourtant, nos services sont précaires. Ce n’est pas la géographie qui isole notre région, c’est le manque de reconnaissance. »
À Amos, la situation est tout aussi critique. « Chez nous, l’hôpital attend toujours son agrandissement. Nos routes se dégradent. Les besoins sont connus, identifiés, mais rien ne bouge », affirme Sébastien D’Astous, préfet de la MRC d’Abitibi. « On ne demande pas la charité. On demande l’équité. On demande que le gouvernement reconnaisse la grande contribution de l’Abitibi-Témiscamingue à l’économie du Québec. »
Du côté de La Vallée-de-l’Or, la préfète Céline Brindamour souligne que l’industrie minière qui soutient l’économie locale et provinciale ne reçoit pas en retour l’investissement public nécessaire. « Québec perçoit les redevances, mais nous demeurons bien en-deçà de l’investissement requis pour maintenir nos infrastructures. Le gouvernement du Québec ne peut continuer à tirer profit de nos ressources sans assumer pleinement sa part d’investissement dans nos milieux de vie. »
Pour les élus régionaux, le statu quo n’est plus tolérable. Le sous-financement chronique dont souffre l’Abitibi-Témiscamingue compromet son avenir et sa capacité à contribuer pleinement au développement du Québec. Le message est clair : il faut un rééquilibrage. L’étude parle d’elle-même. À présent, c’est au gouvernement de répondre.