
Le maire de Témiscaming, Alain Gauthier, se dit profondément insatisfait de la gestion de la fin des ententes avec les médecins ontariens. Présent à la rencontre publique tenue le 28 août dernier, il parle d’un sujet très émotif qui a laissé ses citoyens frustrés et inquiets. « Depuis les premiers jours, depuis la prise d’effet de la nouvelle mesure administrative, j’ai travaillé énormément sur ce dossier-là. J’ai rencontré beaucoup de monde. J’écris normalement une lettre à mes citoyens chaque mois. J’ai écrit trois éditions spéciales dans quatre semaines. Au fil de mes découvertes, au fil des réponses à mes questions, j’ai tenu la population informée. »
Selon lui, le CISSS de l’Abitibi-Témiscamingue n’a jamais eu de véritable justification solide pour mettre fin à une pratique vieille de 45 ans. « La seule raison qu’on m’avait donnée lors de mon appel, c’était pour économiser le 250 000 $ qu’on envoie aux médecins ontariens. Mais si vous calculez, il y a eu 2200 quelques soins ontariens dans la dernière année. Déplacer ses soins vers Val-d’Or ou d’autres centres de services va coûter plus cher en frais de déplacement. Fais qu’au net, il n’y a même pas d’économie. » Il rappelle d’ailleurs que malgré ses demandes d’accès à l’information, les chiffres ont été transmis en retard et de façon incomplète. « Ils ont pris la décision, mais ils n’ont pas l’information. C’est un flagrant manque de leadership. »

La manière dont la décision a été annoncée choque aussi le maire. « Les patients et les médecins ont des relations de confiance, presque d’amis. Les médecins ont reçu une lettre administrative froide de trois paragraphes, signée par la personne responsable des ressources financières, même pas la directrice générale. Quand nous savons l’importance d’une discussion comme ça. » Il dénonce une absence totale de transition et de plan d’accompagnement. « Une décision comme ça aurait dû être préparée, transitoire, consultée avec la population et avec les médecins. À la place, on a eu une rupture brutale, sans ressources, sans communication. »
Les conséquences pour les citoyens sont réelles. Les usagers se retrouvent abandonnés, sans savoir quoi faire. « Ce sont deux systèmes qui ne se parlent pas. C’est le patient qui est responsable d’appeler, de faire des téléphones, de se battre. Le système de santé ne sait même pas qu’ils existent pratiquement. Imaginez le niveau de risque que cela met sur notre population. » Un total de 85 plaintes a été déposé par les citoyens à la suite de l’arrêt des ententes avec les médecins ontariens. Parmi celles-ci, 28 concernaient des situations jugées urgentes et nécessitant une prise en charge rapide. Ces plaintes ont permis d’éviter que des patients vulnérables soient laissés à eux-mêmes pendant plusieurs mois sans suivi médical.
Pour Alain Gauthier, tout cela illustre un problème plus large de culture de gestion. « C’est de la gestion qui passe par des technocrates au lieu d’un leadership empathique. Moi, j’ai l’expérience d’avoir été directeur général avec des milliers d’employés, d’avoir transformé des entreprises en difficulté. J’ai une bonne définition du leadership, je l’ai prouvé. Alors, quand je vois ça, c’est doublement frustrant. »
Il estime que le courage des directeurs aurait été de maintenir la pratique, quitte à assumer le risque. « Ils auraient pu juste garder la pratique au risque de se faire congédier. C’est ça le courage en gestion. Parce que c’est une politique nationaliste quelconque qui n’a aucun bon sens. Nos impôts doivent payer nos soins, pas uniquement les médecins québécois. »
Le maire souligne aussi le manque d’appui concret du gouvernement. « Ça fait 35 jours que je travaille là-dessus, probablement plus d’heures par semaine que quiconque au CISSSAT. Cela a commencé avec des citoyens en larmes dans mon bureau ou en furie dans les premiers jours. Toutes mes demandes d’aide de ressources additionnelles ont été refusées. Une lettre m’a même interdit d’appeler les employés du CISSSAT qui m’avaient pourtant offert de l’aide. »
Il rappelle enfin que le problème de fond dépasse la région. « Le nœud de l’affaire, c’est que la province de Québec est la seule province qui n’a jamais ratifié l’entente pancanadienne pour les soins médicaux réciproques. Elle l’a ratifiée pour les soins hospitaliers, mais pas pour les salaires des médecins. Ça, ça résoudrait tout. » Malgré des échanges avec le cabinet du ministre de la Santé, il affirme n’avoir reçu aucune réponse satisfaisante.
Alain Gauthier formule donc deux demandes précises : « Que le CISSS soit mis sous tutelle, et que le ministre Dubé s’implique directement. Après 35 jours et une semaine et demie en contact avec son cabinet, je n’ai toujours aucune réponse. »