Déséquilibre fiscal : la région dénonce une iniquité flagrante

3 septembre 2025

photo : Page Facebook La Conférence des Préfets de l'Abitibi-Témiscamingue - CPAT

Trois mois après la présentation d’une étude révélant un déséquilibre fiscal évalué entre 666 et 822 millions de dollars, la Conférence des préfets de l’Abitibi-Témiscamingue (CPAT) déplore le silence assourdissant du gouvernement du Québec. Malgré plus d’une quinzaine de démarches formelles auprès de divers ministères et organismes, seulement quatre d’entre eux ont daigné répondre. Pour les élus régionaux, ce mutisme témoigne d’un manque flagrant de considération pour l’Abitibi-Témiscamingue et pour sa population.

Cette absence de dialogue survient dans un contexte politique sensible, à l’aube d’un remaniement ministériel, et alors que la région ne compte plus de représentant au Conseil des ministres depuis 2022. Les préfets estiment qu’il est impératif que l’Abitibi-Témiscamingue retrouve une voix forte au sein du gouvernement pour faire entendre ses réalités et ses priorités.

« Le silence du gouvernement démontre, une fois de plus, à quel point notre région est traitée de façon inéquitable et reléguée au second plan. Ce n’est pas normal de n’avoir aucun retour tangible. La courtoisie élémentaire n’est même pas au rendez-vous, une démonstration d’un manque de volonté et de courage. Québec doit comprendre qu’on mérite mieux! », lance Jaclin Bégin, président de la CPAT et préfet de la MRC d’Abitibi-Ouest. Selon lui, ce sous-financement chronique freine l’essor de la région, affaiblit son attractivité et compromet son avenir démographique.

Des chiffres éloquents

L’étude dévoilée au printemps dernier démontre que la région a reçu entre 893 et 1 049 millions de dollars en dépenses et transferts du gouvernement sur un budget provincial de 63,5 milliards. Or, les entreprises privées de l’Abitibi-Témiscamingue génèrent à elles seules 1,7 milliard en revenus fiscaux pour l’État québécois. Résultat : un déficit fiscal qui pourrait atteindre 6,7 milliards sur dix ans.

Les retombées économiques du secteur privé dépassent les 10 milliards pour l’ensemble du Québec et le PIB par emploi atteint 143 615 dollars, soit 25 % de plus que la moyenne provinciale. Pourtant, la démographie régionale suit une trajectoire inquiétante : la population devrait reculer de 3,3 % d’ici 2050, alors que celle du Québec augmentera de 9,4 %.

Les Chambres de commerce montent au front

Face à l’inaction du gouvernement, les Chambres de commerce de l’Abitibi-Témiscamingue se joignent à la voix des préfets pour exiger une réponse immédiate. Malgré l’envoi de 22 demandes officielles, dont certaines directement adressées au premier ministre François Legault, seules quatre réponses ont été obtenues.

« Il est inacceptable qu’une région aussi productive sur le plan économique doive continuellement lutter pour obtenir sa juste part des investissements publics. Ce silence du gouvernement confirme malheureusement ce que nous dénonçons depuis trop longtemps : notre région est traitée de façon inéquitable, malgré sa contribution majeure à la prospérité du Québec », déclare Stéphane Brown, président de la Chambre de commerce et d’industrie de Rouyn-Noranda.

À Val-d’Or, Sébastien Richard abonde dans le même sens. « Chaque jour, nos entreprises investissent, innovent et créent de la richesse pour tout le Québec. Pourtant, nous devons continuellement revendiquer pour obtenir pleinement la part qui nous revient afin d’assurer notre développement. »

Pour Claude Balleux, président de la Chambre de commerce et d’industrie d’Amos-Harricana, l’urgence est claire : « L’Abitibi-Témiscamingue contribue de façon exceptionnelle à la prospérité du Québec. Pourtant, nos entreprises et nos communautés se heurtent trop souvent à un financement public qui ne reflète pas cette réalité. Il est urgent que le gouvernement reconnaisse nos spécificités et agisse concrètement pour rétablir l’équité régionale. »

Le message est également partagé par Valérie Charrois, présidente de la Chambre d’Abitibi-Ouest, qui insiste sur la nécessité de soutenir la pérennité des entreprises locales, et par Karie Bernèche, coprésidente de Témis-Accord : « Notre réalité, c’est celle d’un territoire vaste, éloigné et peu densément peuplé. Malgré ces défis, nos entreprises font preuve d’une résilience et d’une créativité remarquables. Or, l’absence de mesures adaptées nous oblige à fonctionner avec des outils inappropriés. »

La coprésidente de madame Bernèche, Véronique Girard renchérit : « Le Témiscamingue ne peut pas être considéré comme une grande ville du sud. Ici, chaque kilomètre parcouru a un coût, chaque entreprise joue un rôle essentiel et chaque citoyen contribue à la vitalité de notre région. Maintenir un modèle mur-à-mur qui ignore notre éloignement et notre faible densité, c’est condamner nos entrepreneurs à compétitionner en désavantage permanent. »

Pour les leaders régionaux, l’heure n’est plus aux études et aux promesses. L’Abitibi-Témiscamingue exige des actions concrètes afin de rétablir l’équilibre et de soutenir son développement durable.

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