À quelques mois de la saison 2026, les chasseurs d’orignal de l’Abitibi-Témiscamingue sont de plus en plus inquiets. Le futur plan de gestion, attendu pour cet automne, tarde à être dévoilé par le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP). Dans la région, la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs (FédéCP) dénonce le manque de transparence et craint que Québec impose un modèle uniforme qui ne tiendrait pas compte des réalités locales.
En mars 2024, plus de 500 personnes s’étaient déplacées à Ville-Marie et plus de 300 du côté de Rouyn-Noranda ainsi qu’à Val-d’Or pour assister à l’une des consultations régionales sur la révision du plan de gestion, en vigueur depuis 2012. L’intérêt démontrait déjà l’importance de ce dossier pour les 24 000 chasseurs de l’Abitibi-Témiscamingue. Or, plus d’un an plus tard, les modalités demeurent inconnues, et les rumeurs vont bon train.
Selon les informations qui circulent, le ministère songerait à remplacer l’alternance actuelle par un système de tirage au sort pour les orignaux sans bois, incluant les femelles et les veaux. Une orientation jugée inacceptable par la FédéCP régionale. « Imposer un tirage au sort dans une région où le cheptel est en santé, c’est ajouter une charge inutile aux chasseurs, autant sur le plan administratif que financier, sans justification biologique », a dénoncé récemment Pierre Auger, président régional.
Dans une vidéo publiée sur Facebook, il a rappelé que le dernier inventaire officiel en Abitibi-Témiscamingue remonte à 2017 et qu’il concluait à une population robuste. Pour lui, l’alternance en vigueur depuis une trentaine d’années a fait ses preuves. « Pourquoi changer quelque chose qui fonctionne bien quand on n’a pas d’éléments tangibles qui démontrent le contraire? », a-t-il lancé, insistant sur le fait que les récoltes demeurent stables d’une année à l’autre.
La principale crainte est que Québec applique une mesure « mur à mur », valable pour l’ensemble du territoire, sans distinguer les particularités régionales. « On ne peut pas comparer l’Abitibi-Témiscamingue avec la Gaspésie. Ici, nous avons un cheptel en santé. L’alternance a démontré son efficacité », a poursuivi M. Auger. Pour la Fédération, la volonté d’uniformiser les pratiques viendrait davantage d’une pression administrative que d’une nécessité biologique.
Les chasseurs s’interrogent aussi sur les modalités concrètes qu’un tirage au sort pourrait entraîner. Comment découper une zone aussi vaste que la zone 13? Faudrait-il payer des frais supplémentaires pour participer au tirage, comme c’est déjà le cas pour d’autres types de permis? Et qu’en serait-il de l’équité entre les chasseurs? Autant de questions qui restent sans réponse.
Si la Fédération réitère son opposition à l’abolition de l’alternance, elle ne ferme pas la porte à certains ajustements. Pierre Auger a donné l’exemple d’une mesure qui consisterait à interdire la récolte du veau pendant une année restrictive, afin d’éviter les erreurs d’identification ou les enregistrements douteux. « On n’est pas réfractaires à des ajustements. Mais il faut que ce soit justifié par des données et non imposé sans explication », a-t-il précisé.
Dans la population, les inquiétudes sont bien réelles. Depuis quelques semaines, la FédéCP reçoit de nombreux appels, messages et commentaires de chasseurs qui cherchent à comprendre ce qui les attend en 2026. Le manque d’information officielle du MELCCFP alimente l’incertitude et accentue la méfiance.
Pour la Fédération, le temps presse. Elle demande au ministère de respecter ses engagements envers les régions et de communiquer rapidement le contenu du plan. « Les chasseurs ont droit à des réponses claires, à des mesures cohérentes avec les données scientifiques et à une reconnaissance de leur engagement envers la ressource », rappelle le communiqué régional.
Le plan de gestion 2026 devrait être annoncé à l’automne par le gouvernement du Québec, après plusieurs mois de consultations et de réflexions. En attendant, la FédéCP invite ses membres à se manifester sur les plateformes régionales afin de faire entendre leur voix.