Le 18 octobre dernier, la ville de Québec s’est transformée en vaste espace de solidarité féminine à l’occasion de la Marche mondiale des femmes 2025, tenue sous le thème « Encore en marche pour transformer le monde ». Parmi la foule évaluée à près de 20 000 personnes, une cinquantaine de Témiscamiennes ont répondu à l’appel, venant prêter leur voix et leur énergie à ce grand mouvement mondial, qui célèbre cette année son 30ᵉ anniversaire.
Selon Stéphanie Girard-Côté, travailleuse au Centre de femmes du Témiscamingue, cette délégation témiscamienne témoignait bien de la diversité du territoire. « Il y avait des femmes de tous horizons : du milieu de l’éducation, de la santé, des organismes communautaires, mais aussi des représentantes syndicales. » Le Centre de femmes a d’ailleurs joué un rôle de mobilisation afin de permettre à celles qui le souhaitaient de se rendre à Québec. « Cette marche, explique-t-elle, permet de rappeler que la pauvreté touche encore trop de femmes, notamment celles qui vivent seules, celles qui sont proches du seuil de la pauvreté ou encore celles qui, à la retraite, peinent à joindre les deux bouts. »
Pour plusieurs participantes, le déplacement vers Québec représentait une occasion de vivre un moment historique. C’était le cas d’Anita Husser, conseillère en information scolaire et professionnelle au Centre Frère-Moffet de Ville-Marie, qui prenait part à sa première Marche mondiale. « J’y allais d’abord avec le groupe du Centre de femmes du Témiscamingue, mais j’étais aussi présente avec le réseau d’action féministe de la CSQ, raconte-t-elle. L’énergie sur place, la vibration qu’il y avait dans la foule, c’était incroyable. »

Parmi les moments qui l’ont le plus touchée, Anita Husser cite sans hésiter le passage de Françoise David, militante féministe de longue date, venue rappeler le chemin parcouru depuis la première marche de 1995. Un hommage émouvant a également été rendu aux femmes et enfants touchés par la guerre en Palestine.
Même si la marche se voulait rassembleuse et festive, les thèmes abordés étaient profondément ancrés dans la réalité : la pauvreté, la violence, l’environnement et la solidarité mondiale. « On se rend compte que malgré les progrès, il reste encore beaucoup à faire. On parle d’égalité, mais quand on gratte un peu, on voit bien qu’on n’est pas rendus là », souligne Anita Husser.
Elle évoque entre autres les discriminations dont certaines femmes sont encore victimes, notamment les femmes immigrantes ou autochtones. « J’ai appris qu’un propriétaire peut refuser de louer un logement simplement en voyant que la personne est autochtone ou immigrante. Je n’en revenais pas! C’est révoltant qu’en 2025, ça existe encore. »
L’autre enjeu qui l’a frappée concerne la précarité économique persistante chez les femmes. « On pense souvent que c’est un vieux problème, mais non. Même les femmes qui ont eu un bon salaire se retrouvent souvent près du seuil de pauvreté à la retraite, parce qu’elles ont gagné moins toute leur vie. Ça paraît dans le régime de retraite, ça paraît dans le portefeuille. »
Parmi les autres réalités évoquées, Anita Husser souligne aussi la fameuse « taxe rose », ce coût plus élevé imposé aux produits destinés aux femmes. « On n’en parle pas assez, mais elle est encore bien présente. Les produits féminins équivalents à ceux pour hommes coûtent plus cher, et souvent, les femmes ne le savent même pas. »

Malgré les constats parfois décourageants, la participante garde de cette expérience un sentiment d’unité et d’espoir. « Ce genre d’événement te redonne foi en la solidarité. On voit des femmes de partout au Québec, de toutes les générations, marcher pour une même cause. » Elle souhaite déjà que la prochaine marche, prévue dans cinq ans, attire encore davantage de participantes.
Le slogan de la marche, « Toujours en lutte », reflète bien cet esprit. « Tant que toutes les femmes, partout dans le monde, ne seront pas égales, on ne pourra pas dire que la lutte est terminée. On est chanceuses, ici, de pouvoir parler librement, de pouvoir manifester sans craindre pour notre vie. Il faut utiliser ce privilège pour être la voix de celles qui ne peuvent pas s’exprimer. »
Avant de conclure, Anita Husser tient à lever un dernier tabou : « Il faut arrêter de penser que le féminisme est une guerre contre les hommes. Ce n’est pas ça du tout. C’est une lutte pour les femmes, pour améliorer nos conditions, pour être reconnues à notre juste valeur. » Elle insiste sur la nécessité d’impliquer les hommes dans cette démarche. « On veut qu’ils marchent avec nous, qu’ils comprennent que c’est une question d’équité, pas d’opposition. »