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L'organisme Minwashin : l'art de renouer avec la culture anichinabée

10 septembre 2020

par : Bianca Sickini-Joly | Journaliste de l'Initiative de journalisme local

photo : Richard Kistabish | Crédit photo : Serge Gosselin

Minwashin désigne la beauté en langue anichinabée : un mot tout indiqué pour nommer un organisme qui vise à promouvoir et stimuler l'art et la culture des Anichinabés des neuf communautés du Québec, dont sept en Abitibi-Témiscamingue. Longtemps écrasée et toujours aussi discrète dans la société, la culture autochtone est pourtant grouillante de vie. Les défis à relever sont nombreux, la place accordée à la culture anichinabée n'est pas suffisante et les ressources financières sont manquantes. Mais avant tout, un travail de guérison et de réappropriation doit se faire petit à petit.

Créer pour s'affirmer

« Minwashin est né pour annoncer au monde que nous ressuscitons, que nous voulons redonner une place à notre culture », exprime fièrement le président de l'organisme, Richard Kistabish. Fondé à la fin de l'année 2017, Minwashin provient d'un désir des Anichinabés de créer une organisation autonome, qui leur ressemble, afin de mettre en valeur leur culture. Tourisme Abitibi-Témiscamingue est un proche collaborateur. L'organisme offre entre autres un soutien aux artistes, les aide à la rédaction de leurs projets, crée des événements rassembleurs, conçoit des outils et agit comme intermédiaire avec les médias. La directrice, Caroline Lemire, voit Minwashin comme étant un « porteur de projet ». Cinq éléments interreliés sont fondamentaux dans la mission : la langue, la culture, le territoire, le patrimoine et l'art.

Sauvegarder le patrimoine avant qu'il ne soit trop tard

L'un des projets sur lequel l'équipe de Minwashin travaille est le rapatriement et la sauvegarde du patrimoine. L'objectif est de faire un inventaire numérique pour permettre aux Anichinabés de se réapproprier leur histoire. Après avoir recueilli près de 800 fiches numériques d'artéfacts anichinabés en sollicitant les musées canadiens, la prochaine étape sera d'amorcer une tournée des neuf communautés, dont quatre sont au Témiscamingue, afin de répertorier tous les objets traditionnels. « Il y a une urgence d'agir! On veut le faire pour les prochaines générations, avant qu'il n'y ait un feu, une inondation ou un bris qui abîme le patrimoine », explique la directrice. Une analyse de ces symboles sera faite et par la suite, la recherche sera redonnée aux communautés puis éventuellement publiée.

Porteur culturel plutôt qu'artiste

Le mot « artiste » n'existe pas en langue anichinabée. La définition telle qu'on la connaît ne colle pas tout à fait aux façons de faire des communautés autochtones. « Un danseur va danser par respect pour sa communauté, pour la guérison et non pas pour faire une expression artistique ou une revendication », nuance Caroline Lemire. C'est la même démarche pour ceux qui pratiquent le perlage, qui leur a été enseigné par leurs grands-parents et qu'ils font par tradition plus que pour l'art. Ces personnes s'identifient plutôt au terme de « porteur culturel », ou au mot artisan, qui sont plus justes. Certains se considèrent toutefois comme étant des artistes, puisque derrière leurs œuvres, il y a une démarche artistique.

Minwashin en mouvement

L'organisme lancera sous peu son site Web. On y retrouvera les portfolios d'une cinquantaine d'artisans/porteurs culturels, un calendrier des événements et des vidéos. Pour les Anichinabés, un répertoire de financement et des outils pédagogiques seront disponibles. Pour Richard Kistabish, Minwashin est plus qu'un organisme, c'est un mouvement. Il se dit encouragé par la tournure que prend le mouvement Minwashin, parce qu'il sait que ça représente tout un défi que de relancer la culture et la langue sur le territoire.

Retrouver la culture

Richard Kistabish est président de Minwashin depuis sa fondation. Il est issu de la communauté Abitibiwinni et a connu l'époque des pensionnats. Cette assimilation, où les enfants autochtones étaient enlevés de leur famille pour être envoyés en pensionnat, est ce qu'on appelle depuis peu un génocide culturel, rappelle monsieur Kistabish. « Cette époque nous a amené à ne plus parler notre langue parce que c'était défendu de la parler à l'école. J'ai parfois encore des gestes de protection quand je parle ma langue en public, au cas où quelqu'un me donnerait une taloche derrière la tête, comme à l'école », avoue-t-il. C'est un traumatisme qui laisse de graves séquelles sur plusieurs générations, selon l'homme impliqué dans plusieurs causes autochtones. « De là l'importance de ramener lentement l'amour de la culture et de la langue anichinabée. »

Du temps et de l'espace

Il faut de la patience et de l'ouverture pour que la culture autochtone puisse s'épanouir. L'organisme prend tranquillement son envol puisque la clé, selon Caroline Lemire, c'est de suivre le rythme des personnes concernées. « Plus on sera en contact avec l'art, la création, les textes anichinabés, plus une ouverture se fera. » Par exemple, Richard Kistabish considère que les Premières Nations devraient avoir accès elles aussi aux scènes de théâtre en ville et aux mêmes équipements. La route peut être épineuse avant qu'une fierté culturelle se développe réellement dans les communautés. Le discours de monsieur Kistabish est toutefois empreint d'espoir. « Il y a encore des braises, il faut qu'on souffle dessus pour que notre culture réapparaisse, autant notre spiritualité que notre langue. On va y arriver en faisant de petits gestes pour réactiver la flamme qui existe au fond de nos cœurs », conclut-il.

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