Luc Gélinas est journaliste sportif à RDS et couvre les activités liées aux Canadiens de Montréal depuis 1992. Il a aussi signé plusieurs livres à succès au cours des dernières années, dont Steve Bégin : ténacité, courage, leadership ainsi que les séries jeunesse C’est la faute à… (Hurtubise) et L’étonnante saison des Pumas (Éditions Z’ailées).
Le 19 novembre 2010, l’ancien entraîneur du Canadien Pat Burns rendait l’âme à l’âge de 58 ans, après un long combat contre le cancer. Dix ans plus tard, c’est impossible d’avoir oublié un personnage aussi imposant et coloré. Surtout que Pat a été le premier entraîneur que j’ai côtoyé lors de mes timides débuts au Forum à l’automne de 1989. Et le jeunot que j’étais ne voulait pas commencer sa carrière en se mettant à dos le bourru personnage!
Sans aller jusqu’à dire que j’étais terrifié par Pat à l’époque, disons que je choisissais méticuleusement mes mots avant chaque question. Si certains vétérans étaient capables d’entretenir des échanges coriaces avec l’ancienne police, je ne voulais personnellement pas tester sa patience. Mais comme dans toutes choses, les bonnes recrues finissent par prendre de la confiance. Je me souviens parfaitement de la fois où j’avais voulu le défier. C’était en 1992, lors du camp d’entraînement des Maple Leaf. Il avait quitté Montréal quelques mois plus tôt et le patron m’avait envoyé couvrir sa première journée de travail à Toronto. Pat avait été grognon toute la journée, autant lors de l’entrevue officielle que dans nos échanges de courtoisie. Alors avant de quitter le vieux Garden, j’avais rassemblé tout mon courage et j’étais allé frapper à sa porte.
Avant de cogner, j’avais répété au moins dix fois ce que je voulais lui dire, autant les mots que l’intonation. Quand il a ouvert, d’une voix forte et assurée, j’ai commencé en lui disant « Ouais ben j’ai fini, Pat. Je repars pour Montréal ». Et avant que j’ajoute quoi que ce soit, il a désamorcé mon attaque. « Heille excuse-moi, Luc, j’étais dans le jus aujourd’hui et je ne me suis pas occupé de toi. On va se reprendre le prochain coup. » J’étais presque déçu!
Je me souviens aussi de sa conquête de la Coupe Stanley en 2003 avec les Devils. À l’époque, RDS diffusait la finale et avant chaque partie, nous recevions en studio les principaux acteurs des deux équipes. La veille du cinquième duel, nous avions croisé Pat après l’entraînement de son club et l’ancien collègue Yvon Pednault ne s’était pas gêné pour réellement le brasser, car il avait décliné toutes nos demandes d’entrevues. « Moé, j’veux vous parler. C’est mon boss Lou Lamoriello qui veut pas. Demain, arrivez icitte de bonne heure pis je vais la faire, votre entrevue. Toé, Luc, tu vas surveiller la porte, pis quand on va avoir fini, tu vas me dire si y’a personne dans le corridor. » Nous étions tous complètement abasourdis! Pat Burns, la grosse police mal engueulée, qui n’avait peur de personne, allait faire une entrevue anodine en cachette.
Le lendemain, tout s’est déroulé exactement comme prévu alors que j’ai tenu le rôle d’agent de sécurité à la porte du studio! Quand je repense à tout ça, deux choses me viennent en tête. Pat Burns aimait bien jouer le rôle du vilain, mais c’était un fichu gars… et attention à Lou Lamoriello!