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Le défi d’embaucher

19 mars 2021

par : Karen Lachapelle

Le journaliste du Reflet, Moulay Hicham Mouatadid, a complété une série d’articles sur le recrutement international (éditions du 2, 9 et 16 mars). L’idée nous avait été lancée par le propriétaire du Provigo de Ville-Marie, Denis Nolet. Il soulignait sa difficulté à trouver des employés, l’empêchant d’offrir certains services à sa clientèle. La main-d’œuvre est devenue un véritable casse-tête ou devrais-je dire un véritable calvaire, peu importe la grosseur de l’entreprise. Emploi-Québec avait averti il y a déjà quelques années de la situation à venir, mais on était sceptique, c’était juste un discours alarmiste et irréaliste…

Quand j’affiche aujourd’hui un emploi, je reçois majoritairement des curriculums vitae de l’extérieur du Canada. Il y a 15 ans, je ne voyais pas ça! Malheureusement, le lieu de résidence du candidat est mon premier critère de sélection. Algérie, Tunisie, Maroc, France, je mets automatiquement le CV de côté. N’allez surtout pas crier au racisme, c’est juste une question de logistique. Ce que je veux éviter par-dessus tout, c’est de me perdre dans les dédales de la bureaucratie gouvernementale dans l’espoir de pouvoir accueillir mon nouvel employé dans six mois ou pire encore, un an. Le recrutement international, c’est long, fastidieux, laborieux!

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Il y a plusieurs années, j’ai navigué dans les eaux tumultueuses de l’immigration. Je voulais engager un homme qui n’avait pas encore sa résidence permanente et dont le visa de travail arrivait à échéance. Je me suis lancée tête baissée dans l’aventure. Les défis, ça ne me fait pas peur! Au premier abord, ça ne semblait pas trop compliqué. J’avais un poste à combler, pas de candidature dite « québécoise » et un candidat idéal, bingo!

Ce qui semblait simple a rapidement basculé dans l’absurdité de l’inutile complexité. Ma balloune s’est tellement dégonflée après le troisième formulaire. Il faut savoir qu’au Québec, nous devons synchroniser la demande au fédéral et provincial… quelle joie! Nous avons un don, Québécois, pour faire compliqué! Dès que je m’adressais à Immigration Québec ou Canada, il manquait un document ou ce n’était pas le bon formulaire. « Madame vous avez le formulaire B54, mais c'est le B72 qu'il vous faut au Québec. Madame avez-vous vraiment bien affiché votre poste plusieurs fois? Avez-vous des preuves que vous n'avez pas eu de candidats québécois? Madame, non, non, vous n’avez pas rempli la bonne case. » Les 12 travaux d'Astérix, version canadienne. Une tonne de paperasse plus tard et quelques cheveux en moins, le processus a été complété après des mois de souffrance bureaucratique. Oui, ça valait la peine, car le candidat, Guillaume Gonzalez, est devenu un des meilleurs ambassadeurs de la région, qui travaille maintenant à accueillir et retenir les nouveaux arrivants! Mais à la fin du processus, on aurait quand même dû me décerner la médaille d’or de la patience et de la persévérance.

Le recrutement international est une sorte de gambling. Lorsque le candidat débarque, par exemple directement d’Afrique sans avoir résidé à Montréal ou autre grand centre, c’est encore plus risqué, à ce qu’on m’a dit. Notre région est merveilleuse, mais reste une région rurale. Lorsqu’on a l'habitude de vivre dans une ville de millions d’habitants, à 40oC, imaginez le choc culturel de débarquer en sol témiscamien en pleine froideur de janvier. Ajoutons un confinement COVID et voilà un pas de plus vers l’échec. J’admire la décision de ces entrepreneurs de se lancer dans le processus du recrutement international. Même accompagnée d’une firme, l’entreprise doit s’impliquer à fond, comme mentionnait Karie Bernèche d’Équipements Cardinal. Cela demande beaucoup d’investissement de temps et d’argent et rien ne garantit les résultats!

À la suite de la parution des articles, sur les réseaux sociaux, ça s’est enflammé. Certains écrivaient que les entreprises avaient juste à mieux payer leurs employés ou encore de faire travailler les gens d’ici avant de se tourner vers l’extérieur. Je me suis fait la promesse, il y a bien longtemps de ne pas répondre aux commentaires. J’ai tellement failli flancher. « Vas-y bonhomme, viens gérer mon entreprise à ma place et on en reparlera si tu peux offrir le même salaire que dans les mines à tout le monde. Viens voir combien de candidatures que je reçois quand j’affiche un poste. Parce que de la main-d’œuvre, il en manque partout! Vas-y, viens jongler avec mes prévisions budgétaires, viens vivre ma réalité! »

On se plaint que le coût du panier d’épicerie est trop cher. Si le propriétaire paie son boucher ou commis d’épicerie 100 000 $/an, combien coûtera ensuite la pinte de lait ou le pain? Plus tu as des dépenses, plus tu dois avoir de revenus, c’est une règle de base de l’économie, non? Connaissez-vous les coûts fixes d’une épicerie, d’un dépanneur ou du magasin de chaussures? Il y a tout ce volet, et bien d’autres, à prendre en considération. Rien n’est tout noir, rien n’est tout blanc.

Si on compare au monde minier, les salaires au bas de l’échelle ne sont pas aussi alléchants, vrai. Si certains optent pour ce style de vie de « fly-in fly-out », c’est un choix personnel que je respecte. Mais si tout le monde part pour travailler dans les mines, qui fournira l’épicerie, produira le lait, construira les maisons, réparera nos véhicules? Je crois que vous avez compris où je veux en venir… Pour continuer de faire rouler une shop et offrir un service à la clientèle abordable, oui, le recrutement international peut être une option. Et non, ce n’est pas une main-d’œuvre « bon marché » facile à exploiter. Ce n’est pas le farwest aux normes du travail. C’est du renfort tant attendu pour continuer de faire prospérer notre économie.

L'impact financier que peut représenter un poste vacant est considérable pour une entreprise. Accueillir de nouveaux résidents est une solution concrète à un problème actuel. Ils ne viennent pas « voler » des jobs, ils viennent enrichir notre région. À voir le nombre d’emplois disponibles sur le territoire, il y a de la place à l’enrichissement!

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