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RYAM et le Témiscamingue : Un dialogue de sourds face à la crise

21 novembre 2024

par : Karen Lachapelle

Le secteur forestier est marqué par une crise profonde au Québec et bien entendu, le Témiscamingue n’y échappe pas. Rayonier Advanced Materials (RYAM) refuse toute relance ou vente de ses installations de Témiscaming, malgré un discours prétendument ouvert. Ce refus, conjugué à une conjoncture économique difficile, crise forestière, concurrence internationale féroce et coûts élevés, met à mal l’avenir économique de la région.

RYAM à Témiscaming

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« Il y a quand même beaucoup de discussions et de travaux qui sont faits, mais en ce moment, peu de résultats. Et puis, ce n’est pas faute d’essayer. En ce qui concerne RYAM, il y a eu des propositions de rachat qui ont été faites, ainsi que des propositions de relance qui ont été soumises. L’entreprise a refusé tout ce qui avait été déposé jusqu’à maintenant. Ce n’est pas parce qu’on n’essaie pas, mais parce qu’en face de nous, il y a un interlocuteur qui n’a pas envie de céder ses possessions et ses activités, et ce, malgré le discours qu’il tient. RYAM privilégie ses installations en Floride, renforçant l’impression qu’elle n’a pas l’intention de maintenir ses opérations au Québec », mentionne d’entrée de jeu, Claire Bolduc, préfète de la MRC de Témiscamingue.

Unifor et les municipalités de Témiscaming, Kipawa et Béarn exhortent Québec à mettre fin au contrat d’achat d’électricité entre Hydro-Québec et RYAM, critiquant le fait qu’il profite de la vente d’électricité produite avec du gaz naturel tout en maintenant l’usine de cellulose fermée. Ils dénoncent aussi l’usage de gaz naturel au lieu de l’énergie verte prévue dans le contrat. Québec est accusé de perdre un levier de négociation pour forcer la vente rapide et à juste prix des installations de l’entreprise. Le syndicat et ses partenaires réclament également 80 M$ en subventions pour moderniser les infrastructures locales et optimiser les opérations. En attendant, le Complexe industriel a vu ses effectifs passer de 550 à environ 320 employés, avec d’autres mises à pied prévues d’ici la fin de l’année.

« En 2012, le gouvernement a investi 75 millions $ dans une entente avec Tembec pour sécuriser l’avenir du site de Témiscaming, en modernisant la bouilloire numéro 10 pour produire 50 mégawatts d’électricité. Les employés ont contribué avec 5 millions $ en concessions pour soutenir ce projet visant à garantir la pérennité du site sur 30 ans. Cependant, avec la fermeture de l’usine de cellulose, la production se fait désormais au gaz naturel, ce qui va à l’encontre des objectifs initiaux et soulève des questions éthiques, alors que RYAM profite financièrement de la situation. Le syndicat demande au gouvernement d’intervenir, dénonçant une absence de leadership et la vente des profits à l’étranger au détriment des Québécois », souligne Stéphane Lefebvre, président du syndicat des travailleurs de l’usine de Témiscaming.

Le secteur forestier en général

« Et en ce moment, ça bouge très peu. Avec l’élection de Donald Trump aux États-Unis, ça ne laisse pas entrevoir un dénouement rapide dans le contexte. On se souvient que l’industrie forestière est en crise, pas seulement au Témiscamingue, mais partout au Québec. Une industrie forestière en crise, ça veut aussi dire qu’il y a des contextes comme le prix de la fibre, le coût du financement, les taux d’intérêt très élevés, et les conditions de marché où il y avait du dumping de l’Europe. L’Europe, particulièrement l’Allemagne, a eu un problème avec un insecte, et ils ont dû produire beaucoup de bois de sciage, et ce bois-là, il faut bien qu’ils le vendent. Alors, ils l’ont mis sur le marché à très bas prix. Tout cela fait que la production québécoise n’est pas concurrentielle », dit madame Bolduc.

« Le prix du bois a drastiquement chuté depuis deux ans. Il est passé d’environ 10 $ pour un morceau de 2’’x4’’ à moins de 3 $. Il se trouve ainsi à un creux historique, pendant une période historiquement longue, et cela explique les très nombreuses fermetures d’usines aux quatre coins de l’Amérique du Nord. En réaction aux pertes financières mensuelles importantes que la production à Béarn générait, nous avons ralenti la production en janvier 2024 en tâchant de minimiser l’effet sur les membres de nos équipes. Ça n’a pas permis de réduire les niveaux de pertes de telle sorte que nous avons complètement suspendu la production au printemps. Afin de minimiser l’effet sur l’économie du Témiscamingue, nous avons maintenu la récolte jusqu’à la fin d’août, pour établir des inventaires de bois rond pour plusieurs mois de production, dans le cas d’une reprise », explique Frédéric Verreault, directeur exécutif, développement corporatif chez Les Chantiers de Chibougamau.

Chantiers de Chibougamau a maintenu un maximum d’employés en fonction pour procéder à des travaux d’amélioration à l’usine, en plus de proposer du travail à plusieurs dans les autres usines. Les employés ont tous été rappelés pour reprendre la production pour un minimum de sept semaines depuis le 28 octobre. « Redémarrer une usine en arrêt depuis plusieurs mois pose de nombreux défis, mais on sent la bonne foi des équipes pour que ça se passe le mieux possible. Depuis un mois, les prix de vente s’améliorent et les nuages se dissipent un peu. Nous surveillons la situation de jour en jour pour voir ce qu’il sera possible d’avoir comme niveau de production au début de 2025. Nous continuons de souhaiter un retour à des activités normales dans les meilleurs délais, en étant toutefois lucides des défis d’approvisionnement qui persisteront au Témiscamingue, notamment avec les changements d’activités chez nos collègues de Rayonier à Témiscaming », termine-t-il.

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